Hazul et Majid (titre (peut-être ?) provisoire)
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Hazul et Majid (titre (peut-être ?) provisoire)
RP papier par Manubiwan et moi ^^ On en est à plus de 80 pages manuscrites, mais tout n'est pas encore tapé, alors ce sera par petits bouts au gré de notre courage pour continuer =p (Sauf si tout le monde dit que c'est nul, auquel cas on se fatiguera pas... (Pourquoi est-ce que je m'attends à une réaction virulente de la part de Robert, là ? ^.~))
Le début est un joyeux bordel, vous inquiétez pas ça se clarifie rapidement ^^""""""
Ce qui serait la couverture ^^ :
Carte de notre univers, Grand Rivage :
Le début est un joyeux bordel, vous inquiétez pas ça se clarifie rapidement ^^""""""
Ce qui serait la couverture ^^ :
Carte de notre univers, Grand Rivage :
- Spoiler:
- Le sable était brûlant sous ses pieds nus. Mais abruti par le soleil il n'y prenait plus garde. Les grains se dérobaient à chaque pas, le faisant trébucher, vaciller ; il poursuivait tant bien que mal, passant dune après dune, tentant par le seul effort de sa volonté de contraindre son corps fatigué à renoncer au repos de l'évanouissement.
Le vent chaud faisait voleter ses gerbes de cheveux mal coiffées et collées par les perles de sueur. Les légers claquements de sa légère chemise de laine blanche berçaient ses oreilles dans la longue traversée du désert. Les dunes se dessinaient, minuscules et infinies, au dessous de lui. Un puissant coup d'aile le relança, et il reprit de la vitesse. Tel un ange des contes que l'on se racontait à Carthage, il fusa dans le ciel.
Un ange… C'est ainsi que le voyaient les nomades du désert, quand ils apercevaient sa silhouette élancée, flottant entre ombre et lumière à la lisière des falaises. Et pourtant… Une âme prisonnière de la chair, souffrant les douleurs et les émotions mortelles… Un ange…
Un sourire triste se posa doucement sur les lèvres du jeune homme. Voyez donc où est cet "ange" aujourd'hui ! Assommé de fatigue, perclus de douleur, errant entre sable et cieux… Seul…
Une silhouette, minuscule, dans cette fournaise infernale, s'affala… Rabattant ses ailes tel un oiseau de proie, il plongea vers l'îlot de souffrance qui émanait de cette personne. Il atterrit dans un battement bruyant. Le sable vola. Il toussa. L'être desséché gisait dans un état proche de la mort. Il bondit aussitôt, fusa dans un nuage où il déploya ses longues ailes, et, quand l'eau eut enfin condensé sur ses plumes, il redescendit près du mourant…
À l'instant où il toucha terre, ses jambes le trahirent, et il manqua s'effondrer lui aussi aux côtés de celui qu'il voulait secourir. Mais il serra les dents.
* J'ai péché, ô mon Dieu, et je ne peux abandonner ma pénitence… Je ne peux abandonner les êtres laissés au désert… *
Il s'approcha du corps étendu sur le sable et s'agenouilla à ses côtés.
De ses ailes dégouttèrent des gouttelettes, comme des perles d'argent, qui éclaboussèrent le visage parcheminé de l'homme.
"Ne vous résignez pas, vivez, battez-vous."
Il le récitait comme une litanie, sur un ton presque murmurant… Le vent se leva, soufflant le précieux liquide et confondant sa voix. Le sable lui fouettait le visage. Il entoura alors de ses immenses membres le corps de l'agonisant, pour le protéger de la tempête qui se levait…
De l'intérieur, l'abri des larges ailes paraissait sûr, paisible, inexpugnable. De l'extérieur, on ne voyait plus que la couleur ternie des plumes autrefois immaculées, abîmées par la morsure de ces éclats de roche qui sont les dents du désert ; on ne voyait plus que les épaules courbées tant sous un poids provenant de l'âme que pour résister au souffle d'Éole…
Dans l'ombre du corps frêle de l'ange, l'homme évanoui battit des paupières. Ses yeux s'entrouvrirent, et distinguèrent alors le visage exsangue de son bienfaiteur qui, le regard baissé, poursuivait sa prière, répétant inlassablement les mêmes mots, les mêmes paroles, comme s'il n'avait plus que cela à quoi se raccrocher…
La tempête dura quelques heures. L'homme qui agonisait avait pleinement repris conscience. Sans un mot, il s'était blotti dans l'épais duvet de plumes, qui lui conférait un abri doux. Et c'est dans un sommeil réparateur qu'il s'endormit, tout bercé qu'il était par l'étrange chœur que formaient son sauveur et la tempête…
Puis, la tempête passa. L'ange cassa la gangue de sable qui avait figé ses ailes en un abri hermétique. Le Soleil illuminait de nouveau le ciel. Le paysage s'était métamorphosé, comme si les dunes s'étaient toutes déplacées. L'homme se leva, l'Ailé ébroua ses plumes…
N'osant regarder l'ange en face, l'homme fit quelques pas hésitants. Il était bien conscient qu'il ne devait la vie qu'à l'être étrange qui restait, muet, immobile, semblant perdu dans ses songes.
- Merci… dit-il enfin, d'une voix rendue rauque par la soif. J'ai une dette de vie envers vous.
L'Homme lui parla… Mais il ne comprit pas ce qu'il lui communiquait. Il lui répondit, bien qu'il sache que son idiome lui serait inintelligible.
"Ne me remercie pas, c'est mon devoir que de faire disparaître la souffrance du monde…"
L'Homme le regarda, d'un air qui trahissait sa gêne. L'Ailé leva alors la main en montrant sa paume (le signe de paix universel), et prit une mine bienveillante… avant que de s'effondrer de fatigue, sa chute à peine amortie par ses ailes devenues flasques.
Les yeux de l'Homme s'écarquillèrent de surprise, et il s'empressa auprès de l'ange affaibli. Lui-même n'aurait pas la force nécessaire pour le porter à l'abri (et d'ailleurs, quel abri dans ce paysage sans fin ?...), mais il pouvait à son tour rester avec lui et le soutenir. Prenant garde à ne pas brusquer les grandes ailes à l'aspect si fragile, l'Homme agenouillé sur le sable prit l'Ailé dans ses bras pour lui éviter le contact du sol brûlant. Le temps lui sembla suspendu, comme flottant dans un mirage… Comment protéger un ange ?...
Ses plumes frémirent, sa chair frissonna.
* Je dois lutter, je ne dois pas faiblir… Ouvrir les yeux… Lumière… Je suis messager de lumière… *
Il se dressa d'un coup, en sursaut, et se réveilla dans les bras de l'Humain. Leurs regards se mêlèrent, comme s'ils essayaient de se déchiffrer mutuellement. L'Ailé se posa alors la main sur le torse, où quelques plumes éparses avait poussé, et prononça dans un murmure léger
"Hazul."
L'Humain ébaucha un sourire en voyant que l'Ailé s'éveillait. Il était soulagé et heureux que son bienfaiteur ne soit pas piégé dans une faiblesse impossible à vaincre. L'autre lui donna alors son nom, avec ce geste universel qui permet à deux peuples aux langages incomparables de malgré tout se comprendre.
Répétant alors le geste pour lui-même, l'Humain prononça :
"Majid."
Hazul saisit à bras le corps Majid, l'Homme qui avait veillé à son côté, et, en se remettant sur ses deux jambes, fit battre ses puissantes ailes. Et les deux êtres s'envolèrent, d'abord lentement, puis de plus en plus vite. Hazul lâcha un éclat de rire devant la mine ébahie de son passager. Ils s'élevèrent toujours plus haut. Le champ de vue s'élargissait, les dunes qui paraissaient infinies étaient en fait limitées par d'imposants pics rocheux. Un vent frais fouettait de nouveau le visage d'Hazul, loin de la pesante chaleur terrestre.
Tout d'abord surpris, puis émerveillé, et finalement effrayé par l'altitude, Majid s'agrippa à celui qui l'emportait vers les cieux, soulevant son corps inerte avec une force qu'il n'aurait pas cru exister chez un être si délicat en apparence, d'autant qu'il semblait encore, si peu de temps avant, être au-delà de l'épuisement. Mais où donc pouvait-il l'emmener ?
Le ciel était d'azur, et comme après chaque tempête, il était vide de nuages. Seul l'astre de Phébus occupait l'immensité bleutée… Dans le lointain, on apercevait cependant un éclat, faible certes, mais suffisamment puissant pour que l'on puisse le distinguer. La route serait longue, et il ne pouvait pas laisser Majid dans cette fournaise. Il l'emmènerait donc avec lui, devant les instances d'Alexandrie. Deux jours de vol les attendaient.
Les dunes défilaient, les unes après les autres, à la fois différentes et similaires, comme, sous d'autres latitudes, sont les flocons de neige, figeant le paysage en une immobilité factice née de la répétition. Hypnotisé par le spectacle du sol, bercé par le vol d'Hazul, et épuisé encore de sa longue marche à travers le désert, Majid ne tarda pas à s'endormir.
Un froufrou soyeux réveilla Majid, alors que l'aube perçait à peine sur l'horizon découpé de dunes. La chaleur, soudain, s'en fut. Hazul avait rabattu ses ailes afin que de s'étirer, privant ainsi Majid de ses duveteuses ailes. Hazul avait fait halte près d'une formidable falaise. Elle leur faisait d'ailleurs don d'une ombre gigantesque. Hazul se leva, se tourna vers le soleil…
L'astre du jour était encore bas dans le ciel, peignant le sol ocre de nuances rouges et orangées. L'azur qui dominait d'ordinaire le paysage n'était pas même encore levé, laissant pour un moment sa place à des teintes plus pâles, blanc, gris, rosé, mauve. Parmi ces couleurs évanescentes, la silhouette d'Hazul, dans l'ombre, paraissait d'une blancheur diaphane presque transparente, comme s'il n'était qu'à moitié dans notre monde, et à moitié dans un autre. Majid frissonna dans la froideur du matin, mais il resta muet. À quoi bon parler, quand les mots n'apportent rien à la compréhension ?...
Hazul prit une impulsion, et s'envola le long de la falaise, frôlant les rocs acérés. Arrivé au faîte du dénivelé, il prit appui sur le rebord, et, se repoussant en arrière, bondit dans le vide. Majid courait en s'éloignant de la falaise, pour contempler les faits d'Hazul. Dès lors, ce dernier rabattit ses ailes et plongea à toute vitesse, attrapa Majid, et c'est dans des rires qu'ils reprirent la route.
Les cabrioles aériennes d'Hazul avaient achevé d'éveiller Majid. Un sourire sur les lèvres, il se perdait dans la contemplation du sable en contrebas. Étonnant comme, sans comprendre le langage de l'autre, on pouvait parvenir à une sorte de complicité, d'accord. Cela se construisait sur du silence, sur des vides, mais, au fond, le silence n'était-il pas plus solide que les mots ?...
Et Hazul poursuivait son vol, apparemment infatigable, et ce malgré le poids de Majid qui aurait dû l'entraîner vers le bas sans rémission possible. Comment donc ces ailes, si grandes soient-elles, pouvaient-elles soutenir dans les cieux le poids de deux êtres ? Elles paraissaient pourtant fragiles… Mais à entendre le bruissement régulier des plumes battant l'air, l'on ne pouvait qu'admettre que les yeux sont trompeurs, et nous mènent parfois à des jugement hâtifs.
Et le temps courait, comme toujours, égrenant les instants dans un présent perpétuel, faisant goutte à goutte glisser l'âge sur les choses et les êtres.
Seul le Désert ne change jamais.
Peu à peu, bercé par le battement des ailes et abruti par la chaleur croissante, Majid sombrait dans un demi-sommeil vaguement fiévreux.
Hazul ne se lassait pas de voler. C'était bien la seule jouissance qui lui était permise. Sa longue pénitence le contraignait à cet immuable sens du devoir qui s'imposait à lui et qui se résumait par "Que la lumière Règne". Il battit des ailes de nouveau et réassura sa prise sur cet homme qu'il connaissait à peine mais avec qui il avait partagé bien plus qu'avec quiconque depuis longtemps. Un nuage égaré traînait dans le ciel. Hazul leva la tête, chercha l'éclat du phare, réorienta son vol en conséquence… avant de se rendre compte que le nuage n'en était pas un…
Majid sentit Hazul se crisper et tenta de sortir de sa torpeur. Relevant les yeux, il aperçut la forme sombre partageant le ciel avec eux. De loin, la masse n'était qu'une silhouette floue, typiquement nébuleuse, mais en y regardant de plus près l'on pouvait en distinguer les constituants…
"Hazul… Qu'est-ce que c'est ?..." ne put s'empêcher de murmurer l'homme ébahi.
Devant eux, un vol de corneilles de taille plus que respectable se déployait. C'étaient des oiseaux sauvages, prédateurs s'il le fallait, quoi que le désert leur fournisse souvent leur pitance… Voyant des intrus sur leur route, les volatiles se mirent à criailler des avertissements, brisant le silence du ciel de leurs croassements agressifs.
Sans prendre le temps de répondre au murmure, qui lui était, en plus d'être inaudible (couvert par les cris faméliques des belliqueux volatiles), incompréhensible, il donna une violente accélération et les deux compagnons bondirent vers le haut en évitant de justesse la masse noirâtre. Cette dernière vira bruyamment, afin que de suivre ses proies. Hazul redoubla de vitesse, les battements d'ailes s'intensifièrent, il enchaînait les virages et les esquives. Mais les oiseaux suivaient avec insistance, et ne cédaient pas un pouce de terrain. Hazul ferma alors les yeux… Quand il les rouvrit, il planta son regard dans celui de Majid pour lui faire comprendre son intention. La pupille d'Hazul brillait d'un bleu froid, tout comme son corps et ses imposantes ailes…
… et ce bleu froid glaça Majid jusqu'au fond de l'âme. Il ne comprenait pas ce qu'Hazul comptait faire, simplement qu'il n'entendait pas plier devant de simples oiseaux. Mais que pouvait-il faire ? Pourquoi cette lumière ?
Pourquoi, l'espace d'un court instant, aussi bref qu'un regard, avait-il eu peur de lui ?...
La scène semblait figée. Les corneilles hésitaient-elles à attaquer face à cet être dont la force ne saurait être jugée selon les critères mortels ? Ou bien était-ce simplement la perception qu'avait Majid du temps qui se déformait ? Car oui, tout paraissait immobile. Tous les protagonistes de cette aérienne rencontre flottaient, lévitaient, toute pesanteur oubliée, ailes inutiles, mouvement oublié.
Et dans cet instant comme démultiplié, Majid sentit un froid glacial se refermer sur lui.
Dernière édition par Parthénis [PNJs] le Dim 21 Juin 2009 - 1:12, édité 4 fois
Parthénis [PNJs]-
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Re: Hazul et Majid (titre (peut-être ?) provisoire)
- Spoiler:
- Il tendit lentement sa main ouverte, et, toujours en prononçant sa litanie, la referma brusquement. Tout fut fini, d'un coup. Les corneilles tombèrent, la pesanteur et le temps avaient retrouvé leur normalité. Une pluie noire et morbide s'abattait sur eux.
* Je suis le maître de l'eau, je dois vivre, pour expier mon péché. *
Dans un ultime effort, il mit en mouvement ses muscles, les ailes brassèrent l'air et Hazul amorça une descente douce. Ses bras tremblaient, et par deux fois, il crut lâcher Majid. Enfin, ils se posèrent sur le sable, au milieu des cadavres d'oiseaux qui jonchaient le sol. Le teint lactescent d'Hazul s'évanouit, et il s'effondra. Majid se retrouva seul. Le silence était revenu. Un éclat brillant attira son œil au sol, et il se pencha sur une des corneilles. Il fut surpris de constater qu'elle était gelée… Il revint auprès de son gardien. Ce dernier avait les mains en sang, constellées d'éclats de glace qui pointaient dans toutes les directions. Hazul tressaillit, ouvrit les yeux, et se releva, les bras pendant le long de son corps, et dégouttant d'eau et de sang, les ailes pendantes et traînant misérablement dans le sable couvert d'un noir tapis frais.
À l'instant où les oiseaux s'étaient abattus, Majid avait sentit le froid qu'il ressentait dans son âme prendre corps dans celui d'Hazul. La descente, pourtant rapide, lui parut d'une longueur insupportable ; il ne savait pas s'il devait craindre pour lui, en cas de chute d'une si importante hauteur, ou pour Hazul, dont les tremblements ne pouvaient être dus uniquement à la froideur qui l'avait recouvert.
Et en effet l'ailé s'effondra en touchant terre. Mais Majid ne s'aperçut de l'état où il était que lorsqu'il se redressa. Gelé, blessé, visiblement épuisé, Hazul se tenait debout sans doute plus par la force de sa volonté qu'autre chose.
- Hazul, tu devrais te reposer !
L'incompréhension qui se peignait sur le visage livide de l'ailé rappela à Majid qu'il ne parlait pas sa langue. Il le saisit alors doucement par les épaules et l'obligea à s'asseoir, attendant que le soleil brûlant ramène un peu de chaleur dans son corps transi.
Les deux compères s'éloignèrent néanmoins, à pas lents, des carcasses, car déjà émanaient de lourdes fragrances nauséabondes. Ils marchèrent un quart d'heure, et, une fois dans le creux entre deux dunes, ils s'allongèrent et restèrent immobiles, sans parler, à sentir les rafales de vent tiède rouler sur leurs corps meurtris. Au bout d'un certain temps, Majid se leva et monta tranquillement la dune. Arrivé en haut, il chercha l'éclat des yeux. On pouvait maintenant presque identifier la tour sur laquelle reposait le foyer indicateur. Il leur restait moins d'un jour.
Majid descendit la dune, le sable roulait sous ses pieds. Hazul faisait mine de vouloir se relever. Majid lui tendit la main pour lui proposer un appui. Leurs deux bras restèrent serrés de la sorte, comme se saluent deux amis proches, qui ont longuement vécu ensemble.
La glace qui dardait ses membres avait fondu, et sa peau avait cicatrisé, mais de telle sorte que chaque endroit qui avait été lésé se voyait recouvert de plumes.
Hazul voulu commenter mais se rappelant la barrière qui les divisait ouvrit sa chemise blanche. Son torse était parsemé de plaques de duvet.
Majid tendit la main, poussé par la curiosité, puis se ravisa, gêné.
HAZUL - "Ainsi suis-je condamné…"
Nul besoin de comprendre le sens pour saisir la tristesse que trahissait sa voix.
Majid ne savait que faire pour tenter d'atténuer la douleur qui se lisait dans le regard de l'Ailé. Et même s'il avait pu lui parler, et se faire comprendre, qu'aurait-il pu lui dire ?...
Quel pouvait avoir été le passé de cet être étranger aux lois de la nature ? Était-il né prisonnier de ce corps remarquable, lié par ses pouvoirs qui lui déniaient toute humanité ? Avait-il subit la violence qui naît souvent de la peur du différent ?... Ou bien, s'il avait été humain, pleinement humain, qu'avait-il pu vivre pour devenir ce qu'il était à présent ?...
Et surtout, d'où lui venait cette tristesse ?...
Hazul escalada la dune à son tour, et chercha le phare du regard. Derrière lui, Majid regardait les mains de l'Ailé, là où auraient dû naître des cicatrices, mais où n'avaient éclos que de fines plumes couleur neige.
Ayant trouvé son point de repère, Hazul s'approcha de Majid, s'apprêtant visiblement à reprendre son vol. Mais l'Homme s'écarta de lui, et sous son regard perplexe entama la marche vers le phare. Après quelques pas il se retourna vers Hazul et, avec un sourire, lui fit de la main signe de venir.
* Nous sommes près de ce qui semble être le but de notre voyage… Pourquoi fatiguer Hazul inutilement ? *
"Marcher." Hazul énonça le verbe à voix haute. Majid comprit, et reprit avec un accent passable le mot, en mimant avec ses mains l'action, puis en désignant Alexandrie.
Hazul sourit en réponse. Ses longues ailes, qu'il avait dépliées pour repartir, se rangèrent dans son dos, et Hazul rejoignit son compagnon. L'immensité sableuse, Thjal, comme on la nommait, n'offrait que la solitude. Et pourtant, dans cette solitude, il avait l'impression, en marchant au côté de Majid, d'être heureux… Peu importaient les raisons qui avaient conduit Majid dans cet enfer, c'était un homme bon. Hazul le sentait… il le percevait. Leur voyage fut ponctué d'éclats de rire alors qu'ils tentaient de s'apprendre mutuellement leurs dialectes respectifs. À la nuit tombante, ils arrivèrent enfin au pied du massif rempart qui bordait la cité. Du haut d'une tour, une sentinelle mit ses mains en porte-voix et cria "Qui vive ?!"
Pour seule réponse, Hazul déploya ses ailes dans toute leur envergure. Un bruit sourd ébranla les murs. Plus loin, la grande porte s'ouvrit. Hazul et Majid la passèrent et elle se referma après leur passage. La Casbah grouillait de marchands enturbannés et de badauds qui arpentaient le Soukh. Mille et une fragrances autrement plus agréables que celle du sable et de la poussière embaumaient l'air. De subtils jeux de lumière mettaient en valeur de multiples pierreries colorées… Mais par dessus tout, le Phare de Cristal dominait la Ville. C'était un imposant donjon, non pas fait de cristal comme le voudrait son nom, mais plutôt de brique rouge que revêtait une épaisseur de verre. De telle sorte que, par le biais du foyer éclatant qui brillait de mille feux au faîte de l'édifice, le verre de la structure s'éclairait, et donnait une étrange opalescence bleutée au monument. Et plus que tout, le phare était le lieu où se tenait le Concile.
* Je dois faire part au Concile d'importantes nouvelles… *
Majid, émerveillé, tournait son regard de tous côtés. La nuit allait bientôt tomber, mais pourtant la ville ne ralentissait pas son rythme. Il n'avait jamais connu un tel endroit. Chez lui, de l'autre côté des sables, la vie ne semblait pas aussi vive, aussi colorée, aussi extravagante. Tout était ocre, beige… Et ici, par dessus les toits, le phare lui-même colorait l'air alentour. Les rues fourmillaient de monde. Cependant, Majid s'aperçut rapidement que les gens s'écartaient au passage d'Hazul. Ils ne semblaient pas surpris, comme lui l'avait été, mais il restait impossible de dire s'ils évitaient de regarder l'Ailé en face par gêne, par respect, par crainte, par mépris… Mal à l'aise d'être dans une bulle de vide au milieu de tant d'agitation, Majid emboîta le pas à Hazul qui, sans paraître prêter attention à l'attitude des habitants de la cité envers lui, s'enfonçait d'un pas rapide dans les rues de la ville.
Majid attrapa par la manche et lui fit comprendre qu'il voulait boire. L'Ailé le mena alors à un puits dans un quartier un peu moins fréquenté -à moins que ce ne fut un effet du temps, qui, courant sans retour, poussait chacun vers le repos. Majid put enfin, après plusieurs jours de marche dans le désert aride, noyer sa soif. Puis les deux compagnons reprirent leur route.
Hazul n'avait cure du regard des autres et des murmures cachottiers que l'on proférait dans son dos. Après s'être désaltérés au puits, ils se remirent en route, Hazul devant, vers le Phare, immense et lumineux. Les maisons s'espaçaient et les badauds se faisaient plus rares au fur et à mesure qu'ils se rapprochaient de l'imposante bâtisse. Arrivés à son pied, une porte close leur barrait le passage. Alors que Majid s'approchait de la poignée, Hazul l'appela par son nom et lui fit signe de venir. Il l'agrippa alors sous les bras, et déploya ses longues ailes. Tous les deux s'envolèrent et, cent mètres plus haut, atterrirent sur une terrasse carrelée de marbre bleu et blanc.
Devant eux s'étendait une salle, vaste et haute de plafond. Cinq sièges trônaient au milieu d'elle, dont deux étaient vides.
TAHADJI - "Tu n'es pas le bienvenu Hazul."
LUHIST - "Oiseau de mauvais augure !"
HAZUL - "Ce sont des oiseaux qui m'amènent justement. Et ma dernière faveur."
DJALM - "Ainsi le puissant Hazul vient quémander le Concile" ajouta-t-il d'un ton ironique.
HAZUL - "J'ai croisé une horde de Brumeux, à moins d'un jour de marche. Que font nos forces ? Où sont nos patrouilles ?!"
Majid restait là, immobile, contemplant et écoutant l'incompréhensible débat, peut-être dans l'espoir d'en comprendre ne serait-ce qu'un mot.
LUHIST - "Et pourquoi devrions-nous te renseigner, Plumeux ?"
TAHADJI - "Calme-toi Luhist. Je vais te répondre, Hazul. Nos troupes sont dispersées dans le pays, afin de parer à d'éventuelles tentatives d'invasion."
HAZUL - "Mais vous laissez Alexandrie sans défense ?"
TAHADJI - "C'était un choix à faire…"
Majid contemplait les faces grisonnantes et parcheminées qui gesticulaient avec une perplexité non feinte.
DJALM - "… dicter notre conduite. Certes, tu nous as aidé, et nous t'avons accordé tes souhaits. Mais dans ta soif de pouvoir, tu nous as entraînés dans cette guerre qui nous tue, nous ronge à petit feu. Maudit sois-tu !" s'enflamma-t-il en tapant du poing.
Hazul baissa la tête devant le reproche, en signe de soumission.
HAZUL - "Et maudit je suis. Accordez moi mon dernier souhait, et je ne vous importunerai plus."
TAHADJI - "Soit. Quel est-il ?"
HAZUL - "Permettez à l'homme qui est ici de me comprendre, et vice versa."
LUHIST - "Aussi stupide soit-il, nous l'exauçons."
DJALM - "Au fait, quel est ton nom, jeune homme ?"
Majid sursauta…
Machinalement, il répondit, donnant son nom, sans fioritures. Il se sentait soudain mal à l'aise : lui n'avait rien compris de l'échange entre Hazul et les trois étrangers, mais ceux-ci avaient le moyen de se faire comprendre dès lors qu'ils le souhaitaient… D'un coup, il passait du statut de spectateur -incapable de suivre le fil du discours, passif, inoffensif- à celui d'interlocuteur, voire à celui d'homme interrogé par quelqu'un qui, clairement, le lui dévoilerait que ce qu'il lui plairait. Cloué par trois regards scrutateurs, Majid sentait son assurance fondre comme neige au soleil.
DJALM - "Et qu'a donc de spécial ce "Majid" pour qu'un être tel qu'Hazul s'intéresse à lui ?"
Le ton était moqueur, et Majid ne savait pas trop si la question s'adressait à Hazul ou à lui. Il lança un regard nerveux à l'Ailé, mais celui-ci s'était refermé sur lui-même et n'offrait au monde qu'un visage maussade et inexpressif.
LUHIST - "Peu importe. Qu'il choisisse ses compagnons parmi les maudits et cesse de nous accabler !"
Voix agacée cette fois-ci. Cet homme était clairement hostile à Hazul, et la compréhension de ses paroles n'aidait pas Majid à comprendre pourquoi. Il n’aspirait qu’à quitter ces lieux hantés de sentiments inexprimés qui alourdissaient l’atmosphère ; mais il sentait bien que ce n’était pas à lui de faire ce choix. Il partirait quand Hazul le souhaiterait – ou quand ils seraient chassés…
Un des trois reprit
DJALM – "Sache, Majid, qu’Hazul est un puissant magicien, et que son pouvoir n’a d’égal que la soif d’en acquérir."
LUHIST - "Un mage qui nous a tous plongés dans l’horreur de cette interminable guerre ! Infâme traître, s'il ne tenait qu’a moi..."
HAHADJI - "… Mais tel n’est pas le cas. Et son ambition, il l’a payée suffisamment cher."
Majid resta perplexe devant ces révélations surprenantes. Hazul, un criminel ? Hazul, qui l’avait, sans ciller, sorti de la Fournaise ? Il devait y avoir une erreur. Hazul prit alors la parole, sortant de sa torpeur.
HAZUL - "Si c’est de culpabilité que vous cherchez à m’accabler, sachez que c’est vain. J’ai fait des erreurs, et je les assume. Et croyez-moi, j’ai mon lot de pénitences sans que vous essayiez vainement de m’accabler."
Il se tourna alors vers Majid, et pour la première fois, ils allaient pouvoir se comprendre.
HAZUL - "Je suis désolé, Majid, je suis un être haïssable. J’ai trahi, tué, bafoué… pour obtenir cette vaine chose qu’est la puissance… J’ai ruiné ma vie comme un alcoolique en se saoulant de son vin."
Majid resta coi.
HAHADJI - "Mais au fait, comment et pourquoi Hazul t’a-t-il recueilli ? Et d’où viens-tu ?
Majid dut se faire violence pour répondre ; son esprit se heurtait sans cesse à l’incompréhension.
MAJID - "Hazul m’a recueilli dans le désert..." commença-t-il d’une voix hésitante. "Je viens de la région d’Ilnia, loin à l’ouest. J’ai été poussé vers le désert par des troupes d’hommes armés qui attaquaient tous les villages alentours. Je ne sais pas qui ils sont… Je n’étais pas prêt pour traverser le désert, et j’y serais mort si Hazul ne m’avait pas sauvé."
Cette dernière phrase s’achevait sur une infime note de défi. Les trois hommes échangèrent un regard impénétrable et se mirent à discuter entre eux, à voix trop basse pour qu’Hazul ou Majid puisse saisir le sens du dialogue. Majid observait l’Ailé à la dérobée. Il ne parvenait pas à croire qu’il puisse être mauvais. Mais pourtant, Hazul lui-même s’accusait… Majid aurait voulu pouvoir questionner son sauveur, tenter de tirer cela au clair, mais ce n’était hélas ni le lieu, ni le moment.
Dernière édition par Parthénis [PNJs] le Dim 21 Juin 2009 - 0:21, édité 1 fois
Parthénis [PNJs]-
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Re: Hazul et Majid (titre (peut-être ?) provisoire)
- Spoiler:
- Le regard droit et stoïque, prêt à faire face aux acerbes jugements des trois Sages qui délibéraient, Hazul attendait. Mais ce n’est pas à lui qu’ils s’adressèrent.
TAHADJI – "Ce sont de bien sombres nouvelles que tu nous apportes, Majid d’Ilnia. Si ton pays s’est mis en marche et a levé une armée..."
DJALM - "Nous serons pris sur deux fronts. Et nous ne pouvons nous le permettre."
TAHADJI - "Hazul, il faut que tu nous le rendes. Avec ce talisman, nous pourrions mettre un terme au conflit. Nous saurons l’utiliser, nous saurons..."
Hazul le coupa sèchement.
HAZUL - "Ne me dictez pas ma conduite. Je servirai ma patrie, mais pas sous vos ordres."
LUHIST - "Ne fais pas l’entêté une fois de plus. Ton inconséquence, nous l’avons suffisamment…"
HAZUL - "NE ME DICTEZ PAS MA CONDUITE !!"
Dans un accès de fureur, ses ailes se déployèrent, et sur le sol, à ses pieds, se dessina un cercle de glace, en même temps qu’un brusque souffle froid balaya la salle. Puis le silence se fit. Hazul se tourna vers Majid.
HAZUL - "Je… je suis désolé… Je ne suis pas digne de ta confiance. "
L’Ailé se retourna, alors qu’apparaissait sur son visage une larme qui givra aussitôt, et tomba dans un faible tintement. Il s’avançait sur le balcon pour reprendre son envol alors que Tahadji reprenait la parole.
TAHADJI - "Nous avons de quoi te loger et te nourrir. Tu seras le bienvenu, Alexandrie est généreuse avec ceux qui l’aident. Car tes informations nous ont été précieuses. Nous t’en remercions, au nom de notre pays et…"
Majid n’écoutait plus, et courait vers Hazul, qui battait déjà des ailes.
Il le rejoignit à l’instant où il quittait le sol de la tour. Sans écouter les protestations des vieillards du concile, il sauta dans le vide. Hazul, malgré sa surprise, eut el reflexe de le rattraper ; il le déposa au sol, au pied du phare. L’Ailé resta immobile et muet l’espace de quelques secondes, mais Majid ne le laissa pas reprendre ses esprit et l’entraina dans le labyrinthe de ruelles. Les deux hommes disparurent à la vue des trois mages en haut de leur tour, qui selon leur caractère pestaient, grommelaient ou se renfermaient dans un silence maussade.
Majid finit par s’arrêter dans une sorte de parc minuscule coincé entre deux maisons. Un peu essoufflé, il s’assit au pied d’un palmier qui occultait lune et étoiles de ses larges feuilles. La nuit était tombée à présent ; les rues se faisaient désertes, et l’air plus frais. Hazul restait debout là ou Majid l’avait lâché. Ce dernier releva les yeux vers sa silhouette, dont les ailes paraissaient grises dans l’ombre du soir.
MAJID – "Et bien, qu’y a-t-il ? "
HAZUL - "Je…"
Il secoua la tête
MAJID - "Qu’est ce que tu veux que je te dise ?! Tu t’imagines peut-être que je vais faire confiance à des inconnus, comme ça, sans raison, et me laisser convaincre que tu es le mal incarné ? Franchement, tu m’as sauvé la vie, et rien que ça, ça montre déjà ta bonté d’âme. Mais avec les quelques jours que l’on a passé ensemble, je suis encore plus certain de ça ! Et ce ‘n’est pas parce que TOI tu te dis mauvais que je vais y croire. Moi, je vois seulement quelqu’un qui fuit l’amitié ! "
Durant sa tirade, Majid s’était relevé, et serrait les poings, debout face à Hazul.
Hazul restait bouche bée devant la tirade de Majid.
HAZUL - "Je ne fuis l’amitié que… Tu ne peux pas comprendre…"
MAJID - "Oh que si, je le peux ! Et tu vas m’expliquer ça sur le champ ! "
Hazul déclama alors d’un ton froid, comme pour s’insensibiliser à la douleur que lui procurait la réminiscence des ces souvenirs.
HAZUL - "J’ai tué mon maître, qui était aussi mon ami, pour récupérer cet objet"
Des chairs de sa gorge émergea alors une médaille, pas plus grosse qu’un sou, dont l’éclat ne laissait aucun doute sur la matière : de l’or pur. De fines runes y étaient gravées. Le regard de Majid se fixa dessus, et il tendit un bras pour essayer de le toucher… mais déjà le talisman se recouvrait de chair.
HAZUL - "Il me confère mon pouvoir, mais il a aussi scellé ma vie. "
Majid composa une mine d’incompréhension.
MAJID - "Mais pourquoi ne pas le céder au Concile alors ; puisque c’est la cause de cette guerre ?! "
HAZUL - "Si je m’en sépare… je meurs."
Manubiwan- Dix de Pique
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