DT12
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Deck Of Cards :: Hors Jeu :: Fictions
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DT 12 – chapitre douzième
Plus de dix mois d'attente, vraiment ? Certes, j'ai eu des empêchements, j'ai écrit d'autres trucs entre temps (pas tant que ça non plus), et le forum a subi une légère baisse d'activité, aussi. Enfin, ça n'excuse rien. Le douzième chapitre de DT12. Je ne pense pas qu'il ai de signification particulière, non. Mais j'ose croire qu'il fut plus difficile à écrire que les autres. Et que le résultat en valait la peine. Fi de complaisance envers moi-même, le voici :
Et maintenant, il est temps de mettre à l'épreuve la vitesse de réaction de Wolfy.
- Spoiler:
- DT12 – chapitre douzième – Une nuit radieuse
Depuis le couvert touffu qu'offraient les arbres étranges du grand continent, le clair de lune semblait illuminer le paysage à perte de vue. Sous cette étrange lumière, la végétation étincelait d'un vert plus brillant qu'en plein jour. Plusieurs créatures nocturnes tentaient de se mouvoir furtivement, mais leurs formes sombres se détachaient nettement du paysage dès lors qu'elles quittaient les rares zones d'ombre. C'est en contemplant ce spectacle étonnant et magnifique alors qu'elle progressait précautionneusement, que Clarisse sut qu'elle avait été avisée de choisir l'itinéraire le moins voyant. Elle stoppa son avancée et ses réflexions sous la frondaison d'un immense gommier.
Les constructions mentionnées par l'informateur de la taverne se trouvaient à moins d'une centaine de mètres de sa position, sur une petite élévation de terrain. Si elle était venue par le sentier en contrebas, tout habitant local aurait pu observer son avancée depuis plusieurs dizaines de minutes. À supposer que ce bled soit habité. Parmi les quatre ou cinq grandes masures de pierre sèche que Clarisse pouvait apercevoir et à en croire les minces orifices qui leur servaient de fenêtres, aucune ne paraissait abriter de source lumineuse. Bien sûr, toutes n'étaient pas visibles depuis sa position : d'après ses différentes observations elle estimait le nombre total des habitations à neuf, plus ou moins circulairement disposées autour d'une sorte de large puits condamné.
Après avoir vérifié une dernière fois les cadrans de sa combinaison nocturne, et être ainsi rassurée quant à la furtivité du déplacement qu'elle s'apprêtait à exécuter, la militaire se lança en direction de la butte. Clarisse nota que cette étrange nuit étincelante semblait également amplifier le moindre des bruits de la forêt, à l'exception de ses propres pas. Assez curieusement, cette observation ne fit que renforcer sa nervosité.
Parvenue au pied de la première bâtisse et au terme de sa progression, elle s'aperçut subitement qui si cette dernière lui avait paru interminable, la faute en revenait aux proportions particulièrement trompeuses de la première. Les fenêtres n'avait rien d'étroit : ses deux coéquipiers et elle-même pourraient aisément s'engouffrer de front dans l'une d'entre elles. Mais seulement après avoir escaladé les six mètres qui la séparaient du sol. La construction d'édifices de cette taille avait assurément requis la collaboration de plusieurs dizaines de Métissés. À l'époque en question, plusieurs tribus devaient vivre de concert dans cet étrange village. Ou bien les groupes ethniques étaient-ils alors sensiblement plus importants qu'aujourd'hui sur le Grand Continent ? Partant de cette hypothèse, Clarisse frissonna en songeant à ce qui avait pu forcer une population si nombreuse de guerriers farouches à quitter la forêt pour s'installer sur cette éminence naturelle. Peut-être tout simplement la forêt elle-même ?
Mue par un instinct inconnu, Clarisse décida de s'éloigner de la première bâtisse pour s'intéresser plutôt celle qui se trouvait immédiatement sur sa droite. La plus avancée vers le centre du cercle, nota-t-elle. Et aussi la plus rassurante pour qui avait peut-être frôlé un danger mortel en s'aventurant seule dans un forêt hostile quelques minutes plus tôt. Cette nuit était si accueillante, radieuse et féérique... Tout comme l'atmosphère surchauffée était sinistre et oppressante, davantage à chaque minute.
Réfugiée à l'intérieur de l'édifice central, Clarisse sut enfin quelle activité requérait l'occupation d'aussi grandes habitations désaffectées. Une table branlante mais point de poussière à sa surface, à quelques mètres de l'entrée. Des planches brisées, des clous et de petites lattes de métal en pagaille un peu partout. Un amas de caisses éventrées dans un coin. Ajoutez à cela les cordages, pièces de bois et toiles usagées qui dépassaient ou pendaient d'une mezzanine récemment renforcée. Sous un aspect extérieur vétuste, le dépôt de marchandises abrité à l'intérieur paraissait fonctionnel, et à même de dépanner n'importe quel vaisseau marchand en difficulté qui accosterait à proximité.
Arrivée sur place plus tôt, Clarisse aurait sans doute pu surprendre les activités clandestines de l'équipage inconnu. Désormais, l'endroit était désert. En exceptant bien entendu la présence oppressante qui occupait la pièce. Toute pesdane aguerrie qu'elle était, les sueurs froides dans son dos devenaient impossibles à ignorer, n'estompant hélas en rien la touffeur environnante. Elle s'obligea néanmoins à effectuer un tour de reconnaissance dans la pièce, vérifia que chacune des caisses éventrées était bien vide, puis monta sur la mezzanine pour finaliser son inspection, bien qu'elle sût d'avance n'y trouver guère que des matériaux de seconde main en pagaille.
Ce furent les cheveux qu'elle vit en premier. Elle pataugeait pourtant dans le sang depuis plusieurs mètres, mais peut-être refusait-elle de l'admettre. Le pavement était sombre, ses semelles humides. Elle ne pouvait pourtant ignorer le bruit de succion que produisait chacun de ses pas, tout comme cette masse hirsute et gluante qui dégoulinait sur une chute de toile jadis blanche. En promenant son regard parmi les pièces de bois entassées autour d'elle, elle finit par distinguer chacun des autres morceaux. Son esprit reconstituait distraitement le puzzle, tandis que les élancements de ses jambes l'imploraient de courir le plus vite possible hors d'ici.
Pourtant, un espace dégagé au milieu de ce bazar sanguinolent attira inévitablement son regard. Des symboles tracés au charbon dans le sang, en passe d'être dissous dans le flot liquide. Lequel, par une conception curieuse du dallage, s'écoulait vers l'extérieur par une cavité murale sans qu'une goute ne dégouline au rez-de-chaussée. Moins d'un mètre plus loin, un tas d'ossements frais, et propres. Clarisse réalisait lentement qu'on avait sacrifié puis découpé quelqu'un, une femme, ou bien démembré puis utilisé ses morceaux en offrandes, tandis qu'un autre, impossible à caractériser, avait été... mangé ?
Partir d'ici en vie.
Tout la raison de la militaire ne s'accordait plus que sur une seule phrase. D'un seul mouvement, elle fut dehors, et son dernier espoir se démantibula sous ses yeux. Le paysage baignait dans la même clarté radieuse qu'auparavant, et le village était toujours aussi désert. Peut-être même davantage. Désert et immobile. Une étendue de terre spongieuse et inerte, parsemée de constructions intemporelles et immuables.
Mais tout autour d'elle, dans cette immobilité, se terraient des formes rampantes et tachetées. Elles ne bougeaient pas d'un poil, mais se rapprochaient tout de même. Ce n'étaient pas comme si des silhouettes changeaient subitement de place dès qu'elle détournait un peu le regard. Non, elles ne prenaient nullement la peine de se dissimuler aux yeux de Clarisse. Elles avançaient sans mouvement. Leur progression défiait ses perceptions. Leur apparence même dépassait tout ce qu'on lui avait appris à leur sujet. Elle avait pourtant su qu'ils étaient là à l'instant où elle découvrait le sang et les ossements. Simultanément, elle comprit pourquoi elle avait évité la première bâtisse, et se retrouva plongée dans les souvenirs plus vrais que nature de l'Evostim.
À Pesda, les entraînements en situation de conflit se déroulaient dans des machines de combat virtuel, véritables ogres électroniques qui officiaient à la fois d'appareils de musculation, d'émetteurs multisensoriels tridimensionnels, et de sergents instructeurs. Depuis la mise en place de l'Entraîneur Virtuel Offensif par Simulation Tactique d'Intervention Militaire, les résultats des recrues sur le terrain avaient connu une augmentation sans précédent. Chaque militaire de Pesda suivait désormais une formation intensive dans l'Evostim, le préparant à toutes les réalités de terrain imaginables, grâce à une gigantesque bibliothèque d'opérations virtuelles. Chacune de ces missions était soit historiquement recréée grâce à des enregistrements de batailles passées, soit extrapolée d'après des données informatiques incomplètes, des témoignages et des estimations de tacticiens, ou encore entièrement inventée par des instructeurs retors, profitant de l'accroissement de leur temps libre depuis l'arrivée des Evostim pour imaginer des scénarios de combat improbables.
Toutefois, parmi les innombrables escarmouches dans lesquelles l'Evostim pouvait vous jeter, une en particulier avait irrémédiablement marqué toutes les recrues. Une mission d'une difficulté absurde, qui vous prenait aux tripes à tout moment, dont la configuration changeait à chaque fois, qui tenait moins d'une série d'objectifs à atteindre que d'une épreuve de résistance à la terreur brute. Une opération qui se terminait immanquablement en boucherie à la moindre erreur, et dont aucune escouade n'était revenue au complet. La plus lourde contrepartie du réalisme de l'Evostim résidait dans les traumatismes qu'il pouvait engendrer chez les individus mal préparés. Cette opération en avait fait renoncer plus d'un à la carrière militaire. Il avait plusieurs fois été question de la retirer du programme, mais les instructeurs s'y étaient farouchement opposés. On murmurait dans les couloirs que c'était parce que la simulation avait été recréée par extraction mémorielle des quelques survivants d'une mission réelle, qui avait tourné au massacre ; et que si les données changeaient à chaque exécution, c'est que le simulateur devait jongler avec les souvenirs contradictoires et déformés par la peur qu'avaient pu fournir les rescapés. Par mémoire pour chaque soldat pesdan mort dans cette opération, et pour que les nouvelles troupes soient préparées aux tréfonds de l'horreur, il avait été décidé de ne rien changer au programme de l'Evostim.
La mission « Prototype recovery » vous fait endosser le rôle d'une escouade de reconnaissance peu entraînée et disposant d'un matériel minimal, venus récupérer un prototype d'aéronef tombé au cœur de la jungle eblucoise. Aucun des participants ne peut se douter qu'ils profanent ainsi la terre sacrée des Jaguars, en entrant dans le périmètre interdit autour de leur temple caché. Ce qui est annoncé par l'Evostim comme une simple mission de récupération « entrer, trouver, sortir, ne pas se faire repérer » se transforme alors beaucoup trop tôt en épreuve de survie. Les chanceux sont alors ceux qui ne découvrent pas la nature réelle de la simulation en butant sur le cadavre exsangue d'un de leurs équipiers, avant même de s'être rendus compte qu'il manque à l'appel. Il ne s'agit alors plus de mettre la main sur une quelconque épave, mais de rejoindre au plus vite le point d'extraction en survivant aux pièges mortels et embuscades incessantes sur le chemin, en comprenant rapidement qu'aucun itinéraire n'est sûr. Car l'opposant est constitué des forces spéciales les plus mystérieuses et les plus mortelles d'Ebluc, sur un terrain qu'elles peuvent pratiquer les yeux fermés. Le pire étant que pour survivre, il est impératif de garder à l'esprit – tout en s'interdisant de trop y penser – que chaque équipier ne répondant plus connait probablement déjà une mort sacrificielle atroce entre les mains de fanatiques à l'imagination morbide et à la soif de sang insatiable.
Clarisse réalisait parfaitement qu'elle n'était plus dans l'Evostim, et que les Jaguars autour d'elle n'avaient rien de virtuel. Un froid glacial engourdissait chacun de ses membres, tandis qu'elle se demandait si c'était cela qu'être paralysé par la peur. Peut-être que ses jambes pouvaient encore courir, si elle parvenait à rassembler ses forces pour leur demander. Mais prendre la fuite avait-il encore un sens ? Où pourrait-elle se cacher, s'abriter, se mettre en lieu sûr ? Tout ce qu'elle parviendrait à accomplir, si d'aventure elle passait au travers des rangs de ces guerriers d'élites et réalisait l'exploit de les distancer suffisamment longtemps pour rejoindre ses compagnons à plusieurs kilomètres de là, serait d'indiquer leur position à une troupe supérieure en nombre, en puissance et en expérience sur ce terrain. Plutôt que les entraîner dans sa tombe, elle pouvait également mourir ici, sans rien révéler de ses identité et objectif. Mais en aurait-elle le courage ?
Avant qu'elle ne puisse répondre à cette question, l'un d'eux fut sur sa droite. Clarisse n'avait aperçu aucun mouvement, n'avait senti aucun souffle. Le visage lugubre du fauve se trouvait pourtant à moins de trente centimètres d'elle, surplombant un visage dissimulé dans l'ombre, mais dont on pouvait apercevoir toute la sauvagerie dans le regard. Ses jambes pouvaient peut-être courir, ou non. Ce qu'elle sut à cet instant, avec la netteté d'un éclair dans le ciel nocturne, fut qu'elles étaient encore parfaitement capables de décocher un coup vif et percutant entre les dents d'un félin. Clarisse eut alors le temps d'observer la canine supérieure gauche se briser et voleter dans la nuit, avant que l'homme-bête ne soit projeté en arrière. Le corps fit un bruit étouffé en atterrissant sur la terre humide. Le premier son que produisait devant elle l'un de ces êtres irréels. Distraitement, elle tenta alors de se remémorer le son de son pied heurtant le visage animal. Peut-être la peur lui battait-elle tellement aux tempes qu'elle n'avait pu entendre l'impact ?
Son esprit se dispersait, mais l'adversaire suivant était déjà sur elle. Ses pieds et poings furent aussitôt au rendez-vous. Cependant, ce n'était pas un, mais des dizaines d'assaillants qui l'encerclaient soudain. Et son arme se trouvait à l'intérieur de sa combinaison, de sorte qu'elle ne pouvait pas l'atteindre sans baisser sa garde. Impuissante, elle distribua autant de coups qu'elle pouvait à la ronde, forçant ses opposants à reculer. Ceux-ci se montraient prudents : ils savaient la partie gagnée d'avance. Inlassablement, ils se rapprochaient, et des couteaux de pierres aux tranchants affûtés apparaissaient soudain dans leurs mains. Clarisse était maintenant acculée au pied d'une bâtisse qu'elle ne connaissait pas, sans avoir eu conscience de s'être autant déplacée. Ils formaient maintenant un demi-cercle ininterrompu, et avançaient toujours. Elle apercevait leurs rictus, les cicatrices à leurs bras, et les symboles étranges sur leurs poitrines. Elle les entendait maintenant murmurer, et cette lueur étrange qu'elle voyait au travers de leurs rangs ne cessait de s'intensifier. Elle s'attendait à mourir à tout instant.
C'est alors qu'un cri déchirant fragmenta la nuit, pourfendit les bêtes avides, et dans une incommensurable fulguration, restaura le jour.
La groupe autour d'elle se sépara dans les flammes, et Clarisse put voir au milieu de la trouée ardente un corps étendu et calciné. Une meute de molosses démoniaques déchirait les chairs de ses ennemis, incendiait leurs peaux de bêtes et les transformait en torches gesticulantes. Ils tombaient les uns après les autres, s'éparpillaient dans le village en tentant de rejoindre les bâtisses les plus proches. Là encore, d'autres créatures infernales leur bloquaient sardoniquement l'accès, puis plantaient leurs crocs ignescents dans leurs veines. Aucun n'en réchappait.
C'est en étant frappée de plein fouet par la vague de chaleur que Clarisse sut qu'elle était vivante. Vivante, mais à quel prix, si les portes de l'enfer devaient pour cela s'ouvrir devant ses yeux ? Et entre les battants, silhouette macabre et crépitante, leur gardien s'avançait droit sur elle.
Car au milieu de ce flamboyant carnage, il se tenait. L'épée à la main, chevauchant un étalon de flammes, il parcourait son champ de bataille en portant l'estocade aux victimes de ses séides ardents. Lorsqu'il parvint devant la pesdane transie d'un froid glacial et moite d'une chaleur bouillonnante, il démonta. Puis il fit un pas en avant. Clarisse esquissa un mouvement de recul, pour se rendre compte à nouveau qu'elle était adossée à un mur. Alors la silhouette rengaina sa lame ; sa monture se dissipa derrière lui, balayée par une brise invisible. Son souffle serein se propagea, et les monstres disparurent un à un. La nuit reprenait ses droits, mais restait parsemée de cadavres embrasés. La vision de Clarisse s'assombrit, et l'allure de son sauveur se précisa.
Impassibles, ils se toisèrent un long moment, séparés par trois mètres d'air surchauffé et le souvenir brûlant de la scène qui venait d'avoir lieu. Le cavalier était ganté et botté, tandis qu'une cape cachait le reste. L'inconnu parut se décider à repartir, mais ne put terminer son mouvement. La gorge sèche, Clarisse lança :
-Qui, ou quoi, dois-je remercier ?
-Je ne suis qu'un voyageur. Un étranger.
-Ça, après avoir vu ce que je viens de voir, un phoque l'aurait compris.
Elle haleta.
-Pourquoi venir à mon secours ? lança-t-elle à nouveau.
-Vous n'avez à me rendre grâces en rien. Après cinq années, je suis toujours incapable de me dérober, et cela causera ma perte, ici ou ailleurs.
Malgré toute l'incompréhension qu'il y lisait, le voyageur ne parvenait pas à détourner les yeux du vert profond et... lumineux ? de ceux de Clarisse. Celle-ci parla à nouveau, d'une voix plus calme.
-Et quel est votre nom ? demanda-t-elle.
La réponse se présenta d'elle-même à ses lèvres. Et cette fois, l'entière vérité les franchit. Il ôta sa capuche et laissa sa chevelure orangée s'ébrouer à l'air libre.
-On me nomme Ro... Roland. Roland de Fièrallure.
Les yeux de Clarisse se détournèrent, Roland respira.
-Moi, c'est Clarisse Sewyld. Ravie de te connaître, Roland.
Et maintenant, il est temps de mettre à l'épreuve la vitesse de réaction de Wolfy.
Dernière édition par Robert Begarion le Lun 14 Nov 2011 - 1:20, édité 18 fois (Raison : Restauration mémorielle en cours. Ne pas éteindre l'Evostim.)
Robert Begarion- Dix de Cœur
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Re: DT12
Pas longtemps
Wolfgang- Le Monde
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Re: DT12
Je suis soufflé.
(Étrangement, je m'y attendais aussi un peu, et je suis repassé une heure plus tard ^^)
...
J'espère que tu as apprécié la lecture !
(Étrangement, je m'y attendais aussi un peu, et je suis repassé une heure plus tard ^^)
...
J'espère que tu as apprécié la lecture !
Robert Begarion- Dix de Cœur
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Re: DT12
J'adore comme toujours. Je suis seulement triste que DoC soit mort.
Wolfgang- Le Monde
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Re: DT12
Et je n'ai pris que 9 minutes pour prendre connaissance de ton merveilleux récit
Wolfgang- Le Monde
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Re: DT12
Je m'étais donné comme objectif de maintenir le niveau d'activité jusqu'au retour de Maka... Qui n'a pas l'intention de revenir. Et les autres membres de ma connaissance semblent s'être désintéressés des évènements à la surface de Decenta Emdor en même temps qu'ils s'éparpillaient géographiquement. Lacri trouva un forum moribond à son grand retour. Quant au dernier perso inscrit, il a disparu aussi vite que sa fiche maigrelette est apparue, et je crains n'avoir jamais le fin mot de l'histoire. Toujours est-il que Robert semble également errer sous forme spectrale dans les couloirs désaffectés d'un palais diandomais.
Ah, et j'ai une autre fic en préparation sur DoC. Parce que tout le monde a beau le dédaigner (excepté un certain Atout plongé dans une mélancolie éternelle ^^), moi j'aime toujours autant cet univers.
Ah, et j'ai une autre fic en préparation sur DoC. Parce que tout le monde a beau le dédaigner (excepté un certain Atout plongé dans une mélancolie éternelle ^^), moi j'aime toujours autant cet univers.
Dernière édition par Robert Begarion le Dim 23 Oct 2011 - 18:02, édité 1 fois
Robert Begarion- Dix de Cœur
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Re: DT12
Maka n'avait, je crois plus l'intention de revenir après son retour de Thaïlande. Et désormais elle n'a plus vraiment le temps de...
Mais je suis immédiatement informée lorsqu'il y a du nouveau sur DoC! Vive les mails.
Mais je suis immédiatement informée lorsqu'il y a du nouveau sur DoC! Vive les mails.
Wolfgang- Le Monde
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DT12 – chapitre treizième
Je retrouverai mon rythme d'antan.
Quoi qu'il en soit, une chose est sûre, je terminerai cette histoire. Il y a un ou deux chapitres, j'ai découvert avoir passé le cap où la frustration d'avoir fait tout ce chemin pour s'arrêter là dépasse le découragement devant ce qui reste à accomplir. C'est à la fois effrayant et stimulant.
Wolfgang ? Top.
Quoi qu'il en soit, une chose est sûre, je terminerai cette histoire. Il y a un ou deux chapitres, j'ai découvert avoir passé le cap où la frustration d'avoir fait tout ce chemin pour s'arrêter là dépasse le découragement devant ce qui reste à accomplir. C'est à la fois effrayant et stimulant.
- Spoiler:
- DT12 – chapitre treizième – Vendetta
Arrosés par les premiers rayons de l'aube, puis par une persistante bruine matinale, les deux compagnons de fortune constatèrent avec joie que leur cheminement nocturne touchait à sa fin. S'avisant du reste qu'il ne pleuvait plus, Roland rabaissa son capuchon sur ses épaules. De son côté, Clarisse desserra le col hermétique de la combinaison nocturne qu'elle n'avait toujours pas ôtée. En y réfléchissant, elle songeait d'ailleurs qu'il serait probablement plus sûr de se vêtir d'effets à couleur locale pour la journée qui s'annonçait. Toutefois, la région n'étant guère peuplée, la probabilité de rencontre avec des indigènes suspicieux sur le trajet menant au camp restait faible. Sans compter qu'elle rechignait encore plus ou moins consciemment à s'éloigner seule, depuis la nuit passée.
L'humidité dans les cheveux de la militaire gouttait sur ses tempes et jusque dans sa nuque, provoquant régulièrement des frissons. Il était grand temps d'arriver à destination. On apercevait aisément l'océan depuis que le jour s'était levé, ainsi que le pic rocheux choisi comme repère par ses coéquipiers, mais nulle trace du gros des troupes supposé les rejoindre.
À cette heure, ainsi qu'elle l'avait expliqué à Roland, ils devaient en avoir fini avec les opérations de reconnaissance, et localisé le mouillage du Dichotomic. Lors de la discussion qui avait suivi leur rencontre, Clarisse avait choisi de révéler à son sauveur l'objectif de la mission qui l'avait conduite là-bas. Elle lui accordait sa confiance, malgré son appartenance à un peuple ennemi : jugeant d'une part que, de ses propres mots, il était autant étranger qu'elle à cette terre ; et d'autre part que malgré son intervention providentielle face aux Jaguars, il ne savait rien de ce qui se tramait à l'heure actuelle.
Clarisse fut donc grandement surprise en apprenant que Roland avait déjà croisé la route du Dichotomic. Et plus encore lorsqu'il lui narra l'incident avec le Mesuré. Les locaux ne s'attendaient nullement à l'arrivée du sous-marin, l'équipage pirate n'était donc pas de leur bord. En temps normal, ça ne voudrait rien dire : les Métissés constituaient un peuple divisé, doté de rivalités permanentes, et un clan ignorait certainement les activités d'un autre. Mais depuis l'attaque sur Pesda, ces sauvages s'étaient rassemblés : ils connaissaient une sorte d'union, de paix entre les tribus. Et si cette opération faisait partie de l'assaut commun mené par leurs troupes, il était très improbable qu'une baleinière Métissée vienne donner la chasse à un bâtiment capturé.
Cette information changeait vraisemblablement toute la donne.
Au pied du pic, un pingouin juché sur un gros rocher montait la garde d'un air débonnaire, cigare fumant au bec. Derrière lui, une grande tente de la même couleur que le paysage rocheux environnant, et encore derrière celle-ci un aéronef recouvert d'un filet de camouflage sombre. L'ensemble étant situé au pied d'un large pic à la verticalité impressionnante, à une dizaine de mètres du bord de la falaise, face aux flots mouvementés de l'océan. Flots que contemplait l'autre individu sur place, tandis qu'il réchauffait une paire de rations sur un petit appareil électrique.
-Igor.
-Un problème, piglouf ?
-Si on veut. Clarisse est de retour.
-Alors ça, c'est un sacré problème : adieu la tranquillité !
-Elle est accompagnée.
-Hein ? Par qui ?
-Comment veux-tu que je le sache, sinistre crétin ? Un quelconque godelureau pourvu d'une chevelure orangée et d'une longue cape brune papillonnant de concert au gré du vent.
L'homme considéra son compagnon à plumes avec un scepticisme certain, puis déclara :
-À t'entendre, ça n'annonce rien de bon.
-Crois-tu ? rétorqua celui-ci, avec l'air le plus innocent que puisse arborer un faciès pourvu d'un bec de onze centimètres.
À une centaine de mètres du campement, Clarisse s'arrêta et fit signe à Roland de l'imiter. Puis elle sortit un petit sifflet bleu de l'intérieur de sa combinaison, et en tira quatre notes. Quelques instants plus tard, un signal semblable se fit entendre en réponse, et elle recommença à marcher.
-On emploie toujours ce genre de signaux sonores, par chez vous ? demanda Roland.
-C'est un code d'identification simple et fonctionnel. Pourquoi en changer ?
-Je l'entends aussi bien que toi. Si je tendais un piège à tes compagnons avec toi comme appât, il serait préférable pour vous que le système employé soit plus furtif. Parmi tous vos gadgets sophistiqués, vous devez bien posséder quantités d'instruments capables de tromper ma vigilance, je me trompe ?
-Non, tu oublies simplement un détail d'importance : tu ne connais pas le code. Qu'est-ce qui te permets de penser avec tant d'aplomb que le signal que je viens d'employer ne signifie pas « Abattez à vue la personne qui m'accompagne » ?
Roland marcha un moment en silence, examinant le mouvement de ses pieds.
-J'admets que ça se tient. Bien qu'en tant que Piques, ça ne vous ressemble guère.
-Pendant une opération, on évite autant que possible de faire un étalage excessif de technologie. Précisément pour éviter de trop ressembler à des Piques.
-Salut la compagnie ! déclara Clarisse à la cantonade, arrivée au milieu du camp.
Assis à leurs places habituelles, l'un devant son réchaud et l'autre sur son rocher, armes négligemment posées à portée de main, ses deux comparses l'accueillirent avec le sourire de connivence auquel elle était habituée.
-Il y a eu une réforme du salut militaire pendant mon tour de sommeil ? interrogea Igor.
-Pas à ma connaissance, répondit Xut. Il s'agit selon moi d'une interpellation collective à visée fédératrice, supposément utilisable pour amorcer des relations fraternelles parmi les troupes. Le manuel des manœuvres de cohésion pourra sans doute t'en dire plus.
-Ne te donne pas la peine de le consulter, grogna Clarisse. La prochaine fois, ce sera « Salut les ploucs », et tout le monde comprendra. Toujours pas de nouvelles des renforts.
-À vrai dire, si, grinça Igor. Pas de renforts. Archéon est devenu carrément lunatique. D'abord il annule le Plan A, qu'il a lui-même élaboré soit dit en passant. Puis il sonne un rappel général des troupes envoyées sur ses ordres. Et maintenant il ne montre plus qu'un intérêt marginal dans la récupération du Dichotomic. Notre mission se poursuit donc, mais tant que nous ne trouvons rien, nous sommes seuls.
-D'accord, encaissa Clarisse. Tout ce que j'avais prévu tombe à l'eau. Je peux étrangler quelqu'un ?
-Et si tu nous dévoilais plutôt l'identité de ton mystérieux compagnon muet ? suggéra Xut.
-Bien sûr. Asseyons-nous, je vais faire les présentations. Le rigolo qui est sur le point de faire brûler le petit-déjeuner s'appelle Igor, et le pince-sans-caqueter dont on ne sait jamais s'il comprend vraiment les blagues du précédent, c'est Xut. Quant à l'énigmatique individu qui m'accompagne, il se nomme Roland, il m'a beaucoup aidé cette nuit, et il se trouve qu'il peut faire encore davantage pour nous.
-Tiens donc, et comment cela ? demanda Xut, intrigué, en se tournant vers Roland.
-Eh bien, bafouilla celui-ci en s'asseyant sur un rocher plat, ne sachant trop par où commencer. Ce faisant, il écarta malencontreusement les pans de sa cape à la recherche d'un objet qui semblait avoir changé de place depuis son dernier souvenir.
Aussitôt, Igor bondit, se saisissant de son pistolet.
-Clarisse, ce salopard porte une épée ! C'est un Cœur !
La militaire s'interposa immédiatement, obligeant son camarade à baisser son arme.
-Je sais bien que c'est un Cœur. Quand je disais qu'il m'a aidée, c'était un euphémisme gentillet pour signifier que je suis tombée dans un traquenard, et qu'il m'a tiré d'affaire en carbonisant l'escouade entière de Jaguars qui en avait après moi.
Le silence tomba si lourdement qu'on l'entendit presque. Une série de regards abasourdis convergea vers Roland, celui de Clarisse compris, cherchant à la fois une validation de ses dires et la confirmation qu'elle n'avait pas rêvé durant cet épisode nocturne dantesque. L'intéressé se contenta d'acquiescer sobrement.
-Je crois que tu ferais mieux de nous raconter ça depuis le début, déclara Xut. Nos voleurs de sous-marin sont des Jaguars ? Ou bien ils n'étaient pas au rendez-vous et c'est l'informateur qui nous a tendu un piège ?
-Oh non, je crois bien qu'il se sont rendus sur place comme on nous l'avait annoncé, mais ils ont du se douter de quelque chose et ont précipité la rencontre. Ce qui explique que je sois arrivée trop tard pour les croiser. Ceci dit, les Jaguars sont quand même parvenus à se faire les dents sur quelqu'un. Probablement le contact local. Une femme. Je l'ai retrouvée en petits morceaux.
-Shaellia.
Igor se tourna vers Roland :
-Tu la connaissais ?
-J'en avais déjà entendu parler. Un de mes coéquipiers à bord du Mesuré, Jock, l'avait mentionnée à l'occasion. Une aventurière avec qui il avait beaucoup frayé, qui montait toutes sortes de trafics clandestins. Le continent est très friand de denrées rares et de produits manufacturés en provenance d'autres contrées. J'ai été très surpris quand on m'a donné son nom. Moi qui croyait enfin la rencontrer. Jock... Il avait beau grommeler sans cesse, je crois qu'il l'aimait vraiment.
Quelques instants plus tard, Clarisse poursuivait son compte-rendu :
-Il y avait aussi un autre cadavre, ou plutôt un tas d'ossements. Je suppose qu'ils l'ont dévoré, comme à leur habitude. En fait, ce qui est surprenant, c'est qu'ils n'aient pas fait subir le même sort à cette « Shaellia ». Quoi qu'il en soit, impossible d'identifier cette autre personne. Peut-être un des leurs, tués par leur victime dans un dernier geste défensif, bien que ça reste improbable qu'un Jaguar soit mort si aisément.
Les regards dérivèrent à nouveau imperceptiblement vers Roland, qui ne se sentait décidément pas tout à fait à son aise en compagnie des militaires.
-Ou bien un retardataire du groupe que nous poursuivons, qui était resté là pour une raison inconnue. Ou encore un compagnon de notre contrebandière, dont personne n'avait fait mention jusqu'ici, et qu'elle a peut-être convié à l'improviste, ou par sécurité.
-En bref, on ne sait pas grand chose, s'exclama Igor. Si nous en revenions à notre invité ? Qu'est-ce qu'un Cœur solitaire fait si loin de chez lui, et quel heureux hasard l'amène-t-il à la rescousse d'une demoiselle en détresse, qui est supposée être de ses ennemis héréditaires ?
-Pour faire simple, commença Roland, en dépit de mon sang Cœur qui se rappelle à moi plus souvent que je ne le souhaiterais, voilà bien longtemps que je ne me considère plus autrement que comme apatride.
-Tiens, cette réplique me rappelle quelque chose, signala Clarisse en haussant les sourcils.
-Les déserteurs Rouges courent les rues de nos jours, lâcha Igor. Exode rural ? Problèmes climatiques ? Je n'ose penser que la monarchie de droit divin soit un concept qui bat de l'aile.
Roland considéra Xut avec un saisissement nouveau, tandis que celui-ci, avec un air mauvais, s'employait à souffler un maximum de fumée à la figure d'Igor. Ce dernier toussa, s'étouffa, et tenta désespérément de s'abriter derrière Clarisse. Celle-ci bouscula le réchaud en se dégageant, et une ration chuta au sol en déversant son contenu autour d'elle. La pâte nutritive, bouillonnante et fulminante, dégageait malgré son aspect plutôt répugnant une senteur des plus appétissantes. Aussi, les forces en présences s'accordèrent-elles sur un cessez-le-feu provisoire, et stoppèrent là la discussion le temps de se partager les deux rations restantes.
-Mon père, héritier de plein droit du domaine de Fièrallure, mourut l'année de mes onze ans, après une longue agonie dont j'eus tout le loisir de contempler les affres, qui reviennent désormais me hanter régulièrement la nuit.
Les trois militaires pesdans écoutaient son histoire en silence, et Roland osait à peine croiser les regards de ses auditeurs. Avant même de relever la tête, il savait chaque fois que les deux étincelles d'émeraude aux tréfonds des pupilles de Clarisse croiseraient son regard.
-Ce fut un matin, dès l'aube, que tout fut fini. Un duel d'honneur entre deux gentilshommes, chacun engoncé dans son armure luisante en acier thearien, qui elle-même était engoncée dans une armure plus inflexible encore. De fierté pour l'une, et d'arrogance pour l'autre. Olikor Fièrallure et Jeroil Eaussèche se toisaient avec un dédain mutuel. Pourtant, l'affaire qui les réunissait sur le pré était bénigne, comparée à la plupart de celles qui émaillaient l'histoire sanglante des conflits entre Eaussèche et Fièrallure. Deux jours plus tôt, un serf du premier avait cherché refuge sur les terres du second, la cache où il entassait clandestinement une partie de ses récoltes ayant été découverte. Un vieux paysan solitaire avait pour son malheur accepté d'accueillir dans sa demeure cette compagnie inattendue. Hélas, les traqueurs du seigneur Eaussèche retrouvèrent le fugitif et son hôte. Tous deux furent pendus pour l'exemple, et la chaumière incendiée.
En remarquant du coin de l’œil les visages incrédules des pesdans, Roland s'aperçut que la justice telle qu'elle était rendue sur Thear était probablement difficile à appréhender pour de parfaits étrangers. Son couperet tranchant comme sa sévérité implacable auraient vite fait de faire passer les Cœurs pour des barbares assoiffés de sang à leurs yeux, s'il ne s'y prenait pas mieux dans sa narration. Un doute légitime l'assaillit cependant : désirait-il réellement redorer le blason de son peuple durant ce récit ? Ses interlocuteurs ne seraient-ils pas plus enclins à l'accepter s'il dépeignait ceux qui furent les siens comme une troupe de gredins fieffés et hautains ?
-Lorsque l'affaire parvint aux oreilles d'Ar'Kass Fièrallure, seigneur du domaine, il n'eut d'autre choix que de réclamer les têtes des hommes qui s'étaient octroyés la vie d'un de ses serfs. C'est alors que Jeroil Eaussèche vint en personne lui rétorquer que c'était là son œuvre, et de mettre le vieux seigneur au défi d'obtenir justice aux yeux de la Rouge. Au fond de lui, je crois bien que mon grand-père savait dès la première heure que ce différend ne se règlerait que par le sang, voire par le feu, et c'est la mort dans l'âme qu'il envoya son fils ainé répondre au cartel.
Roland prit une gorgée du gobelet que lui tendait Igor. Ce breuvage énergétique de conception Pique était certes revitalisant, mais il en trouvait le goût déplaisant. Après s'être forcé à vider son gobelet, par conscience comme par politesse, il reprit son histoire.
-Olikor et Jeroil étaient des ennemis de longue date, et en leur fort intérieur, il est envisageable que l'éventualité de dégainer leurs épées l'un contre l'autre pour se battre jusqu'à la mort ne fut pas pour leur déplaire. Si ce fut le cas, il n'en montrèrent rien ce jour-là. Tous deux étaient des combattants émérites, quoique de réputations dissemblables. Olikor Fièrallure, en qualité de fils d'un homme d'influence auprès du roi, avait plusieurs fois mené une armée mater des embryons de rébellion. Sa stature comme son ardeur au champ de bataille lui valaient une forte renommée. Jeroil Eaussèche avait quant à lui pour passe-temps de donner la chasse à toute sortes de hors-la-loi qui écumaient le désert, poussant fréquemment ses hommes bien au-delà de son propre domaine. Il avait en outre la réputation d'un homme impitoyable au combat, à même de faire mordre la poussière aux plus féroces maraudeurs.
À ce moment du récit, Roland se fit la réflexion qu'il faisait apparaître Olikor davantage comme un protagoniste répondant à l'appel de la justice, et Jeroil plus proche d'un fauteur de troubles, qu'il ne l'avait initialement voulu. Y avait-il réellement un bon et un méchant dans cette histoire ? Les deux nobles ne remplissaient-ils pas seulement des devoirs seigneuriaux qui les menaient à cette opposition fatidique ? Roland avait beau y repenser encore et encore, son père ne lui apparaissait sous aucun angle comme un homme de mal. Tant pis si son tableau prenait des allures de geste, avec un antagoniste agissant et un héros réagissant ; c'était ainsi qu'il l'avait vécu, et il faisait déjà son possible pour expurger le passé de ses sentiments d'enfant.
-Très vite, Jeroil domina le combat. Son style comme sa capacité de mouvement dans une armure légèrement plus souple étaient favorisées lors de ce duel à pied. Protégé par d'épaisses plaques d'acier, Olikor n'avait guère encaissé de coups sérieux, mais son équilibre comme son moral s'en ressentaient. À mesure que le combat se prolongeait, il chancelait à vue d’œil. Ses assauts, quoique d'une violence inouïe, se faisaient de plus en plus rares. Son adversaire s’essoufflait sans doute plus que lui par ses nombreux mouvements de droite à gauche et de gauche à droite, dont certains étaient sans doute superflus, mais il goutait déjà la saveur de la victoire, et ses forces s'en trouvaient décuplées. Cela faisait plusieurs minutes qu'il cherchait la faille qui lui permettrait de vaincre. Et il la trouva. D'un ample coup d'épée, Jeroil frappa brutalement au flanc, juste au dessous de l'écu qu'Olikor, jugeant mal de ses forces faiblissantes, avait un peu trop relevé. Mon père poussa un cri de douleur à peine retenu, et tomba à genoux. Eaussèche s'avança vers lui, je le voyais sourire au travers de son heaume. À ce point du duel, il ne restait au vaincu que deux options : la reddition, ou le bûcher.
Roland marqua une pause, se demandant si c'était une larme qu'il sentait au coin de son œil.
-Du moins, c'est ce que Jeroil pensait. À la différence de son gibier habituel, un noble ne pouvait être vraiment vaincu qu'une fois qu'il l'admettait lui-même. Olikor Fièrallure le savait mieux que personne, et refusait résolument la défaite : il leva un pied et reprit son aplomb, et alors même que son adversaire repositionnait sa lame pour faire face à ce reliquat de menace, se propulsa en avant, forçant Jeroil à reculer pour ne pas basculer sur le dos. Se ressaisissant de son épée, une lame bâtarde une fois et demie plus longue que celle de son opposant, Olikor raffermit son emprise et fendit l'air en deux d'un coup vertical, de haut en bas. Jeroil para avec sa lame plutôt qu'avec son écu, sur lequel il avait perdu prise. L'épée plus petite se brisa avec fracas, et le coup transperça son épaulière pour s'enfoncer profondément dans la chair. Son écuyer jura que mortellement blessé, Jeroil Eaussèche admit sa défaite en rendant son dernier souffle, étendu sur une herbe sanglante.
La respiration du conteur se faisait haletante.
-Mon père est mort moins d'une semaine plus tard, après avoir gardé le lit durant l'intervalle. Certains parlèrent de poison sur la lame, mais je ne puis ignorer qu'en lui ôtant son armure, on découvrit de multiples plaies et fractures graves aux endroits où il avait été touché durant le combat. Sans compter que l'épée de Jeroil n'avait guère pénétré dans la chair de mon père, bien que de tels expédients abjects s'accordent volontiers avec la réputation des Eaussèche. Pour ce que j'en sais, le mystère plane toujours sur cette affaire.
Au ton épique avait succédé une vague mélancolie, accompagnée d'un sourd ressentiment.
-Mais en vérité, sa mort ne fut pas l’œuvre d'une lame, d'une blessure ou d'une affliction. C'est la haine qui l'a assassiné. Une rancœur séculaire, fruit d'une querelle plus vieille encore et imprégnée du venin des générations successives qui ont plus d'une fois sacrifié des pans entiers de leurs existences à assouvir cette inextinguible soif de vengeance, à attiser ce brûlant désir de mort et de dévastation. Peu importe la façon dont on étudie leur histoire, les Eaussèche et les Fièrallure sont voués à se détruire mutuellement dans un tourbillon de furie. C'est avant tout pour ne pas devenir un réceptacle de cette haine que j'ai abandonné famille, domaine, prestige, promise, avenir et héritage ; et fui cette terre de malheur.
Et cette fois, il releva la tête pour croiser les regards éberlué d'Igor, plein de compassion de Xut, et vert et brûlant de Clarisse. Il avait révélé sur son passé bien plus qu'il ne l'aurait souhaité, et à sa plus grande surprise, il avait à ce propos un sentiment étrangement favorable.
-Vous connaissez désormais les motifs de Roland de Fièrallure, héritier fugitif et hobereau renégat, et contemplez ce qu'il est devenu. À vous de décider si vous acceptez mon aide.
Au terme du récit, bien que doutant difficilement de sa sincérité, Igor peinait encore à se fier à un Cœur, quelque émotion que son histoire put laisser transparaitre. Mais en tournant la tête pour consulter ses compagnons, il sut que le choix était fait.
Wolfgang ? Top.
Dernière édition par Robert Begarion le Ven 28 Oct 2011 - 23:58, édité 11 fois (Raison : Aléas de narration)
Robert Begarion- Dix de Cœur
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Re: DT12
Texte lu et fort apprécié!
Wolfgang- Le Monde
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Re: DT12
J'en suis ravi.
C'est pas souvent que j'obtiens un taux de satisfaction auprès de mon public d'exactement 100%.
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Robert Begarion- Dix de Cœur
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Re: DT12
Ahahaha, je suis heureuse de faire ton bonheur
Wolfgang- Le Monde
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Re: DT12
Robert tu ne m'oublies pas pour écrire la suite?
Wolfgang- Le Monde
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Re: DT12
Pas de souci, c'est en cours.
J'ai d'une part beaucoup avancé ces derniers temps, mais sur l'écriture d'évènements qui ne se produiront que bien plus tard. En ce moment, j'élabore surtout un personnage pas encore apparu, et d'autres bricoles à échelle plus large. Et mon éminence grise en devenir a besoin que je la nourrisse.
D'autre part je m'attelle également à trouver un système d'organisation personnelle pour avoir une production plus régulière. Parce que je suis au moins aussi insatisfait que toi des délais en mois entre les morceaux. Il semblerait qu'il me faille impérativement des dates butoirs.
Enfin ce n'est pas forcément très visible actuellement, mais il y a pas mal de boulot pour s'assurer de la cohérence de l'ensemble (je ne veux surtout pas me refaire avoir comme par Parthé il y a deux pages ><) D'autant que l'ensemble de la trame scénaristique a maintenant pris forme, il s'agit de ne rien bousculer.
Bref, fi de criailleries : puisque tu le réclames si ardemment, je vais tâcher de sortir le chapitre qui est dans les starting-blocks ce week-end. De toute façon il est déjà complètement pensé et élaboré. Mais tu l'as sans doute remarqué à l'occasion, je suis un effroyable minutieux quand il s'agit de l'écriture.
J'ai d'une part beaucoup avancé ces derniers temps, mais sur l'écriture d'évènements qui ne se produiront que bien plus tard. En ce moment, j'élabore surtout un personnage pas encore apparu, et d'autres bricoles à échelle plus large. Et mon éminence grise en devenir a besoin que je la nourrisse.
D'autre part je m'attelle également à trouver un système d'organisation personnelle pour avoir une production plus régulière. Parce que je suis au moins aussi insatisfait que toi des délais en mois entre les morceaux. Il semblerait qu'il me faille impérativement des dates butoirs.
Enfin ce n'est pas forcément très visible actuellement, mais il y a pas mal de boulot pour s'assurer de la cohérence de l'ensemble (je ne veux surtout pas me refaire avoir comme par Parthé il y a deux pages ><) D'autant que l'ensemble de la trame scénaristique a maintenant pris forme, il s'agit de ne rien bousculer.
Bref, fi de criailleries : puisque tu le réclames si ardemment, je vais tâcher de sortir le chapitre qui est dans les starting-blocks ce week-end. De toute façon il est déjà complètement pensé et élaboré. Mais tu l'as sans doute remarqué à l'occasion, je suis un effroyable minutieux quand il s'agit de l'écriture.
Robert Begarion- Dix de Cœur
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Re: DT12
J'adore ce que je lis! J'ai déjà hâte de savourer les prochaines lignes de cette incroyable histoire.
Wolfgang- Le Monde
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DT12 – chapitre quatorzième
Ce fut d'arrache-pied, et le pied en fut presque arraché.
La machine est lancée, voyons si elle peut soutenir un rythme régulier. L'épisode suivant devrait arriver avant le mois de Novembre, si du moins l'univers ne se met pas en travers de ma route.
- Spoiler:
- DT12 – chapitre quatorzième – La grotte
Dans la pénombre humide des cohortes de stalactites trapues sises en leur dernière demeure minérale, l'occasionnel clapotis des suintements calcaires, dégouttant dans une étendue aquatique faiblement luisante sous la lueur des torches, nourrissait l'ambiance oppressante et sinistre que possédaient naturellement les lieux. Dressé sur ses pieds et les yeux rivés vers le plafond démonté de la salle souterraine, tel un crabe au fond d'une nasse tentant de comprendre comment ce lieu s'était formé à son insu, Johanes s'interrogeait muettement.
-Surprenante, cette grotte, fut tout ce qu'il parvint à dire.
Le maître artilleur tentait de saisir l'ampleur de cette cavité apparemment naturelle, dont l'accès extérieur se situait dans la partie immergée. La salle dans laquelle ils se trouvaient, la plus grande, était pratiquement elliptique. Les eaux recouvraient environ deux tiers du sol, et la forme massive du Dichotomic au centre de cette zone était encore loin d'occuper la moitié de l'espace disponible. Le timonier s'était attendu à une manœuvre délicate, mais la profondeur surprenante de ce lagon cavernicole avait grandement facilité son approche. En effet, si l'on avait pied dans les trois ou quatre premiers mètres de la partie immergée, selon le côté choisi, la paroi descendait ensuite à pic sur près de quarante mètres, avant d'atteindre le fond marin déchiqueté ainsi qu'un autre réseau de grottes sous-marines infesté de murènes.
Un peu plus loin, un autre homme balayait également les lieux du regard, mais s'il portait un intérêt mesuré à la beauté figée de cet édifice naturel, son attention était davantage captée par les opérations d'amarrage et de déchargement qui avaient lieu autour du sous-marin pesdan. Au moyen de longs cordages épais ainsi que de frêles radeaux en bois, l'équipage entreprenait d'amener à terre les équipements nécessitant une maintenance, et d'amarrer plus solidement le navire en vue du déchargement d'éléments plus conséquents. Satisfait du déroulement des opérations ainsi que du zèle que son équipage montrait à la tâche, Ectasiltémoc porta son regard sur le maître artilleur toujours figé dans son observation, menton levé vers le plafond.
Après un bref moment d'hésitation, le capitaine s'approcha de son subordonné et, embrassant avec lui les sombres hauteurs de la caverne, prit la parole :
-Il s'agissait jusqu'il y a peu d'un repaire de contrebandiers, qui conduisaient ici le gros de leurs trafics, ainsi que les marchandises qu'ils n'entendaient pas revendre immédiatement, préférant attendre les périodes de pénurie. Les biens stockés ici venaient pour la plupart de Pesda, mais également d'Ebluc pour la nourriture ou de Thear pour les armes. Oui, pour la plupart, les indigènes n'apprécient ni les rations gélifiées ni les pâtes nutritives consommées par les pesdans, et n'aiment pas davantage leurs armes sophistiquées qui supportent mal le climat et cessent de toute façon de fonctionner dès que les munitions, introuvables, sont épuisées. Les denrées périssables étaient transportées dans des bâches imperméables attachées à des bouées, puis lestées pour atteindre l'entrée sous-marine de la grotte, et le lest était lâché pour la remontée. Ainsi, elles passaient très peu de temps sous l'eau. Naturellement, aucun de ces individus ne disposait d'un submersible tel que le nôtre, et il était impératif de procéder aux chargements la nuit, sans éclairage extérieur, pour éviter d'être repéré par les pillards qui infestent la région.
-Intéressant, déclara Johanes. Et comment cela s'est-il terminé ?
-De manière fort prévisible, je le crains, répondit Ectasiltémoc. Plusieurs membres du réseau ont été appréhendés lors d'un coup de filet sur Pesda. Un contrôleur système plutôt futé a corrélé plusieurs manipulations frauduleuses du réseau, visant à dissimuler des incohérences dans les inventaires. Il a alors décidé d'attirer les fautifs dans un traquenard. Pour ce faire, il lui a suffi d'ajouter quelques cargaisons fictives fort appétissantes dans le secteur où les malfrats opéraient. Ceux-ci sont tombés en plein dedans, et ont été pris en flagrant délit. Par la suite, les services secrets se sont appliqués à scrupuleusement démanteler le réseau, et les rares éléments à échapper aux mailles du filet ont jugé préférable d'abandonner cette cachette plutôt que de les laisser remonter leur piste jusque-là. De toute manière, ils n'étaient plus assez nombreux pour avoir l'utilité d'une cache de ces dimensions, qui a également l'inconvénient de ne pas posséder d'autre issue.
-Les pesdans sont très attentifs à toute fuite de leur technologie, convint Johanes. Je m'étonne d'ailleurs que nous n'ayons toujours pas eu vent de leurs efforts pour refaire main basse sur le Dichotomic.
-Je m'autorise à penser que notre opération a été menée avec un très grand succès, affirma Ectasiltémoc avec un rare sourire. Pesda était alors plongée dans la confusion la plus complète, et n'a désormais plus guère de moyens de retrouver notre trace.
-Possible, estima Johanes, dont les rides soucieuses trahissaient le manque de conviction. Ceci dit, votre histoire ne mentionne pas comment l'existence de ce groupuscule investi dans l'économie parallèle a pu parvenir à vos oreilles. Mais peut-être est-ce intentionnel, et préférez-vous préserver vos sources ?
Ectasiltémoc eut l'air songeur quelques instants, comme s'il pesait les répercutions à long terme d'une telle révélation. Puis il se dérida et répondit au maître artilleur.
-À vrai dire, ce n'était réellement qu'une affaire de circonstances. Comme vous pouvez vous en doutez d'après les circonstances de notre rencontre, je dispose moi aussi un certain nombre d'amis en bas lieu. L'un d'entre eux, un trafiquant d'herbes à fumer eblucoises qui exporte parfois sur Pesda (les Piques ont depuis peu une réglementation assez draconienne sur ces choses-là, et les préparations illicites sont un marché en vogue) m'a présenté un de ses contacts lors d'un échange de faveurs. Il s'agissait comme vous pouvez le deviner d'un ancien membre du réseau de contrebande. Il voulait que je lui procure une couverture officielle pour la durée de son séjour en Ebluc, et les quelques informations qu'il m'a fournies sur les planques utilisées par son réseau ont servi à la monnayer.
-Alors ça ne lui a coûté qu'une poignée de ragots ? Il s'en est tiré à bon compte, dites-moi. Je vous ai connu beaucoup plus tenace en affaires.
-Mais ces ragots, ainsi que vous les nommez, furent tout particulièrement instructifs. J'ai par exemple appris qu'avant d'être le repaire de contrebandiers dont je viens de vous parler, cette caverne entièrement naturelle servait de refuge à une tribu de sirènes, qui venaient ici s'abriter des prédateurs marins comme des maraudeurs terrestres. Les petits y étaient élevés en sécurité jusqu'à ce qu'ils aient l'âge de découvrir l'existence du monde extérieur, et d'en affronter les dangers. Chacun d'eux gardait à tout jamais le souvenir du jour où il découvrit pour la première fois la lumière du soleil. N'aimeriez-vous pas posséder vous aussi ce souvenir ?
-M'est avis que ça devait tout de même en traumatiser quelques uns, grommela Johanes.
-En vérité, c'est surtout l'absence de plafond qui était la plus terrifiante pour beaucoup d'entre eux. La certitude bien ancrée, plutôt confortable d'un environnement restreint et simple à appréhender se voyait brisée à jamais au contact de l'extérieur. Ce ciel infini et inaccessible au-dessus de leurs têtes, parfois parcouru de bêtes volantes énormes et féroces leur inspirait au premier abord une terreur brute, dont certains ne se débarrassaient jamais vraiment. Mais ce n'était guère qu'un problème marginal, au demeurant : les sirènes peuvent pour la plupart passer leur vie dans les profondeurs de l'océan sans le moindre regret.
-Je sens nettement que je vais regretter d'avoir posé cette question pour la seconde fois, murmura presque Johanes. Comment cela s'est-il terminé ?
Un reflet fugitif dans l’œil du capitaine Ectasiltémoc parut indiquer au maître artilleur Johanes que sa tristesse était partagée, mais le phénomène disparut aussi vite qu'il était apparu. Sans la moindre émotion dans la voix, son interlocuteur lui répondit.
-Une jeune sirène tomba dans les filets des trafiquants, au sens propre. D'habitude, ceux-ci se contentaient de découper en morceaux ces êtres qu'ils considéraient comme primitifs, pour en revendre la chair tendre à bon prix sur les marchés à pilotis d'Ebluc. La pratique était déjà sévèrement sanctionnée par la loi Trèfle, mais les autorités n'étaient pas très promptes à l'appliquer dans la mesure où seuls quelques sauvages Métissés en pâtissaient. Et il y avait suffisamment d'amateurs sans scrupules de cette chair si particulière, à la fois charnue, goûteuse comme de la viande et fine, délicate comme du poisson pour en rendre la pêche très lucrative.
Ectasiltémoc marqua une pause, signe que la partie réellement tragique de l'histoire arrivait à grands pas. Des sueurs froides coulaient lentement dans le dos du maître artilleur.
-Lors de cette capture-ci, ils eurent brièvement le temps d'apercevoir une frêle forme s'enfuir en direction de la côte. La jeune mère qu'ils venaient de capturer accompagnait sa petite lors de sa première sortie, et celle-ci n'avait pas encore appris à s'enfuir assez vite. Il était trop tard pour la suivre, mais les pêcheurs avaient compris que le reste de la tribu n'était pas loin. L'un d'entre eux parvint à extraire de l'esprit de la captive l'emplacement exact du refuge. Autant dire tout de suite que face à la résistance mentale qu'elle a opposé, l'opération avait tout d'une séance de torture.
-De vrais enfants de Cœur, cracha Johanes, du dégoût dans la voix.
-Une fois l'information en leur possession et la sirène débitée en tranches, poursuivit impitoyablement Ectasiltémoc, ils ne perdirent pas une seule minute pour cingler directement jusqu'ici. Après avoir harponné tout ce qu'ils croisèrent sur leur passage puis localisé l'entrée sous-marine, ils déployèrent un grand filet barbelé tout autour pour s'assurer qu'aucune proie ne s'échappe. Peu après, le charpentier de bord eut l'idée de la technique de lest et de bouées que j'évoquais tout à l'heure pour l'acheminement des marchandises. L'objectif était alors beaucoup moins louable, puisqu'il s'agissait d'enfumer complètement la grotte. Les sirènes se battirent farouchement dans le boyau sous-marin, et plusieurs trafiquants furent tués, mais les ballots empoisonnés finirent par atteindre l'intérieur de la grotte, chacun équipé d'un détonateur et d'une charge explosive. Un exquis mélange du savoir botanique eblucois et de l'ingénierie militaire pesdane, à vrai dire.
Le ton du capitaine était presque devenu jovial, et son regard plus sombre que jamais.
-Donc c'est ainsi que les sirènes sont mortes ? demanda Johanes d'un voix calme.
Ectasiltémoc confirma sobrement.
-Très peu ont succombé aux fumées toxiques. Les explosions en ont tué certaines sur le coup. La plupart se sont jetées à l'eau, et sont venues s'empaler sur les mailles tranchantes du filet placé à l'entrée. Le boyau immergé lui-même devenait complètement saturé de poison, et elles n'avaient d'autre choix que de tenter de passer au travers. Le capitaine des trafiquants n'eut qu'à donner l'ordre de remonter le piège pour récolter la plus importante moisson de toute sa carrière de bandit sans foi ni loi.
-Alors il n'en reste plus une seule ? conclut rhétoriquement Johanes.
-Pas tout à fait.
La réponse que Johanes n'attendait nullement ne provenait pas de son interlocuteur, mais de la direction opposée. Se retournant, il réalisa avec stupéfaction qu'une jeune femme vêtue du strict minimum était étendue sur un rocher humide, lui souriant avec malice. Son abdomen se fondait en une longue nageoire bleutée trempant dans le bassin non loin.
-En réalité, cette meute de forbans sanguinaires (qui allaient pour certains participer à la création du futur réseau de contrebande utilisant cette grotte comme base d'opérations) ne nous ont pas exactement toutes exterminées, déclara l'inconnue en insistant sur le « toutes ». D'ailleurs, si vous avez attentivement suivi le récit de notre ami commun, vous pouvez déjà vous en douter.
Johanes regarda successivement le capitaine, puis la mystérieuse sirène.
-Vous voulez dire que... La petite qui s'est enfuie lorsque sa mère a été capturée ?
Son interlocutrice acquiesça des lèvres.
-Maître artilleur Johanes, intervint Ectasiltémoc jugeant utile de faire les présentations, cette demoiselle qui s'est glissée dans la grotte avec sa discrétion coutumière tandis que nous conversions est Shaellia Telfuri, commerçante indépendante de son état, et probablement la seule survivante de l'épisode que je viens de vous narrer.
-J'ai fait un bout de chemin depuis cette époque, relativisa Shaellia d'un ton évasif. Et vous pouvez le dire franchement : je suis à mon tour devenue une contrebandière.
-Je vois, approuva simplement Johanes.
Si la jeune femme était finalement parvenue à surmonter cette tragédie, il pouvait comprendre qu'elle ne tienne pas particulièrement à insister sur le sujet. Néanmoins, le détachement qu'elle affichait à propos de son passé lui paraissait un brin surréel.
-Comme je vous disais, rappela Shaellia, si je suis venue vous retrouver, c'est pour tenter de clarifier quelques points sur ce qui s'est passé après le départ de vos hommes. Les matériaux ont bien tenu le coup, au fait ?
Maintenant intégralement humaine, et vêtue d'un pagne de toile sèche ayant fait son apparition autour de ses hanches pour compléter son bandeau de poitrine encore trempé, elle marchait avec les deux hommes dans un des tunnels partant du fond de la grotte, côté terre.
-Admirablement, confirma Ectasiltémoc. Tepotl nous les a apportés il y a trois jours, et nous avons entamé les réparations avant-hier. Les parois s'emboitent parfaitement, et le calfatage a donné d'excellents résultats.
-Oui, c'est bien le nom qui m'échappait : Tepotl. Un grand brun taillé dans l'os au burin, pourvu d'un regard aussi minéral que le reste, c'est bien ça ? Je dois dire qu'il n'était pas très causant, et que j'ai surtout parlé avec les autres. Vous êtes bien sûr que c'était lui qui dirigeait ce petit groupe ? Il faudra que je lui demande quelques précisions concernant l'itinéraire qu'il a suivi à l'aller. Et aussi s'il a utilisé des capacités de localisation spatiale.
-Il ne devrait plus être très loin maintenant, observa Johanes. Lui et son équipe étaient seulement supposés effectuer une reconnaissance de proximité, pas explorer les galeries de bout en bout. À moins qu'il ne soit tombé sur quelque chose d'intéressant un peu plus...
Johanes s'interrompit brusquement et cessa d'avancer, faisant signe à ses compagnons de faire de même. Un bruit répercuté par les parois l'avait mis en alerte. Une cavalcade mêlée à des cliquetis et des grincements lancinants suivit. Des cris. L'angle d'un boyau devant eux s'éclaira, et un homme en jaillit, une torche à la main gauche alors que son bras droit pendait, inerte et couvert de sang. Il poussait des cris inarticulés, qu'il fallut quelques secondes aux trois Cartes pour identifier comme étant une incitation à fuir au plus vite. Mais déjà une autre silhouette se dessinait dans le boyau, beaucoup plus imposante.
À grandes enjambées, Tepotl surgit devant eux, recouvert d'égratignures diverses et muni d'un puissant casse-tête qui semblait avoir servi récemment, au vu de la substance visqueuse qui en recouvrait le bout. Il brailla à son tour un avertissement, qui ne fut compris que trop tard. D'une autre cavité située dans leur dos, une monstruosité dotée de pinces gigantesques jaillit, et saisit immédiatement Shaellia. Elle hurla de douleur alors que les pinces s’enfoncèrent dans sa chair, abattant inutilement ses poings frêles sur la carapace chitineuse du monstre.
Ectasiltémoc paraissait tétanisé, tandis que Johanes cherchait frénétiquement des yeux un moyen à portée de main d'affronter la créature. Sans perdre de temps, Tepotl les attrapa tous deux par la taille et s'engouffra en courant dans le tunnel menant à la grotte principale.
-Il y en a plein d'autres dans les galeries, lâcha-t-il pour toute explication.
D'horribles craquements plus nombreux retentirent derrière eux, alors que les hurlements de Shaellia paraissaient plus intenses à chaque mètre qu'ils parcouraient en s'éloignant.
Au camp installé dans la salle principale, l'émotion retombait lentement. Les entrées du réseau de tunnels avaient été condamnées, et les blessés étaient soignés par l'équipe médicale. Sur les dix hommes envoyés en reconnaissance, quatre n'étaient pas parvenus à ressortir des galeries, et avaient probablement fini massacrés par les crustacés. À ce total de victimes venait s'ajouter Shaellia, dont aucun des trois hommes l'ayant vue saisie par le monstre ne nourrissait de doute quant à ses chances de survie. Bien que ni Ectasiltémoc ni Johanes n'osât faire la remarque, l'un comme l'autre réalisaient qu'en définitive, toute la tribu de sirènes qui l'habitait autrefois avait trouvé la mort dans cette grotte.
-J'y repense, demanda Johanes à Tepotl : que crois-tu que Shaellia venait te demander ?
-Aucune idée, déclara platement l'intéressé tandis qu'un infirmier posait des emplâtres sur son dos nu, large et musculeux.
-Elle avait mentionné des évènements s'étant produits après votre départ, insista le maître artilleur. Peut-être a-t-elle reçu une visite imprévue ?
Le colosse haussa les épaules pour toutes réponses, obligeant l'homme derrière lui à réajuster ses remèdes et lui arrachant un sifflement agacé.
-C'est à peu près ça, claironna une voix devant eux.
Une voix que Johanes ne croyait plus entendre. Shaellia Telfuri se tenait face au groupe de blessés, apparemment indemne, vêtue d'un pagne et d'un bandeau mouillés, très semblables à ceux qu'elle arborait lors de sa première apparition, le même sourire malicieux aux lèvres.
-Ne laissez jamais un crabe vous pincer, conseilla-t-elle aux deux hommes stupéfaits, surtout s'il est plus grand que vous d'un bon mètre. Quoique j'ai connu pire pas plus tard que lors de notre dernière rencontre.
Cette dernière remarque s'adressait à Tepotl. Pourtant, c'est Ectasiltémoc qui fit à cet instant son apparition pour interroger la sirène, ayant opportunément terminé l'inspection des barricades devant les tunnels.
-À ce propos, commença le capitaine, et avant d'éclaircir à mon tour quelques points avec vous en privé, nous aimerions tous savoir exactement ce qui s'est passé ce jour-là après que mes hommes vous ont quittés. Serions-nous pourchassés par un ou plusieurs individus ?
Shaellia plissa les yeux avant de répondre.
-Des fous furieux vêtus de peaux de fauves tachetés, très prompts à jouer du poignard, et pour qui le verbe « pourchasser » comme le champ lexical de la traque en général semblent avoir une connotation particulièrement savoureuse.
Un silence angoissé accueillit cette remarque. Les membres d'équipage en présence se regardèrent tour à tour les uns les autres, jaugeant leurs degrés de panique mutuels. Puis ce fut une épouvantable cacophonie, et Johanes, bien que tout aussi terrifié que les autres, jugea que ce point-ci aurait également du être évoqué en privé.
La machine est lancée, voyons si elle peut soutenir un rythme régulier. L'épisode suivant devrait arriver avant le mois de Novembre, si du moins l'univers ne se met pas en travers de ma route.
Dernière édition par Robert Begarion le Ven 28 Oct 2011 - 16:53, édité 1 fois
Robert Begarion- Dix de Cœur
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Re: DT12
Stop chrono. En moins de 2h j'en ai pris connaissance!
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Re: DT12
Me gusta! Juste précision... une sirène est une carte?
Wolfgang- Le Monde
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Re: DT12
Absolument. Si on en croit les divines règles du jeu, il s'agit de la forme animale standard du Métissé Pique/Trèfle. On notera par ailleurs qu'il s'agit probablement du seul type de carte qui ne pourra jamais prétendre à une transformation complète.
Robert Begarion- Dix de Cœur
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DT12 – chapitre quinzième
Je me disais bien que l'univers n'était pas de taille. Chose promise, etc.
J'ai mis des titres. Faites-moi savoir ce que vous en pensez. Bien, pas bien, certains moins bien que d'autres, appropriés ou non, il y en a-t-ils qui donnent trop d'informations sur le contenu du chapitre ? Bref, envoyez tout ce que ce nommage soudain vous inspire (moi, en tout cas, j'en avais besoin pour mon confort d'écriture)
Soit dit en passant, j'ai remarqué depuis un bon moment déjà qu'en tant que narrateur comme en tant que MJ, j'avais tendance à faire jaillir les ennemis de nulle part, et sans explication quant à leur provenance (bien que l'explication en question existe) La correction de ce défaut fera sans doute l'objet d'un exercice futur -comprendre un nouveau récit alambiqué- mais pour DT12 je me refuse catégoriquement à torturer l'histoire encore davantage. Les explications arriveront en temps utile, comme c'était plus ou moins sous-entendu depuis le premier chapitre.
(oui, ça veut dire qu'elles arriveront tout court, pas d'inquiétude ^^)
J'ai mis des titres. Faites-moi savoir ce que vous en pensez. Bien, pas bien, certains moins bien que d'autres, appropriés ou non, il y en a-t-ils qui donnent trop d'informations sur le contenu du chapitre ? Bref, envoyez tout ce que ce nommage soudain vous inspire (moi, en tout cas, j'en avais besoin pour mon confort d'écriture)
- Spoiler:
- DT12 – chapitre quinzième – Le retour des Métissés
La liesse n'en finissait pas d'emplir les ruelles, les maisons, les familles. Le carrefour central, d'ordinaire très animé, de ce seul village Métissé digne de ce nom à des lieues à la ronde était maintenant complètement bondé. On parlait d'agrandissements, de constructions, de paver les routes et d'élever des murailles. En ce jour de grand retour, les Métissés habituellement si hostiles à toute forme de civilisation organisée, ne créant et ne tolérant ces rares agglomérations que par pure nécessité pratique, devenaient follement entreprenants.
Une dizaine de navires étaient au mouillage depuis le matin, et on en annonçait une dizaine de plus d'ici le soir. Tous remplis ras la coque de ventres affamés. L'ambiance était pourtant beaucoup moins guillerette à leur bord : vaincus, blessés et parfois décédés durant le voyage du retour, les guerriers qui débarquaient des grands voiliers baissaient la tête et ne pipaient mot. Néanmoins, tandis qu'ils s'approchaient du village Métissé, les vagues de morosité qu'ils amenaient avec eux refluaient une à une face à l'allégresse des locaux. Toute la région semblait s'être déplacée pour assister au retour de l'armée, pas seulement les familles des combattants ou ceux qui regrettaient de n'être pas partis avec eux.
Loin d'être rebutée par l'annonce d'une défaite, la foule saluait les valeureux combattants, s'empressait d'acheminer les blessés vers l'hôpital de fortune, et invitait tout le monde à venir se restaurer au milieu du village. Les quelques cadavres étaient enterrés non sans émotion, mais le ton était moins celui du recueillement que des réjouissances. En ce jour, on fêtait non ceux qui avaient vaincu leurs oppresseurs mais les ambassadeurs belliqueux d'une puissance en devenir. L'égérie des Métissés ne leur avait peut-être pas montré le chemin de la victoire, mais la route qu'elle leur avait fait suivre était à n'en point douter celle de la concorde. Pourtant, celle qui à bord de son navire en déroute refusait toujours d'accepter la défaite n'avait pas paru enchantée par l'accueil des villageois, et s'était promptement retirée des festivités. Ombrenuit ne présiderait pas au banquet.
En ce début d'après-midi ensoleillée, la taverne ne désemplissait pas tandis que quatre maisons alentours avaient été reconverties en salles supplémentaires par la force des choses, et qu'une cinquième s'aménageait progressivement. De grands feux avaient été élevés un peu partout, recouverts chacun d'une large pierre plate afin d'y faire cuire la pêche des derniers jours. Il y avait là une armée à rassasier, dont beaucoup étaient restés sous forme animale de façon prolongée durant les combats, et avaient maintenant un appétit draconique.
Comme tant d'autres habitants ou voyageurs désœuvrés, Élice avait été recrutée de force pour distribuer les victuailles à toutes ces bouches pépiantes et glapissantes. Ayant revêtu un tablier tâché et rapiécé, ainsi qu'une espèce de serre-tête particulièrement inconfortable visant à renforcer la délimitation dans son environnement proche entre espaces accessibles à ses cheveux ou à la nourriture, la jeune femme se demandait une fois de plus pourquoi elle ne déguerpissait pas sans réclamer son reste.
Christian, voilà pourquoi. Le jeune technicien était encore allongé dans la demeure de Murillo, le guérisseur nain, où il passait l'essentiel de ses journées faute de pouvoir se lever. Du reste, il les occupait pour la plupart à dormir, quoique le temps semblât lui peser lors de chacun de ses réveils auxquels avait assisté Élice. L'endroit avait depuis lors été reconverti en hôpital improvisé, transformation motivée par l'arrivée d'un flot continu de Métissés, dont une bonne proportion de blessés nécessitant des soins urgents et intensifs. Cette soudaine affluence avait tout d'abord fait craindre le pire à Élice concernant leur couverture, mais la situation s'était démêlée sans grabuge : parce que Murillo était Murillo, il avait « suffi » d'un petit sachet de pierres précieuses supplémentaire pour que Christian conserve sa chambre individuelle, et les autres blessés pouvaient bien crever, après tout ils ne payaient rien et n'avaient donc aucun droit de se plaindre. Non pas qu'Élice partageât cette vision de la médecine, mais elle n'avait nullement l'intention de pleurer une poignée de Métissés agonisants.
Soudainement rappelée à la réalité, Élice chassa Christian de ses pensées et se résigna pour quelques heures encore à son sort, s'attelant à servir les innombrables mangeurs autour d'elle.
-Mignonne, cette petite serveuse, commenta à voix haute Igor, comme s'il espérait que la principale intéressée l'entende. Celle-ci ne se retourna pas pour autant, et le militaire dut se contenter de la portion de steak de baleine aux herbes qu'elle avait déposée dans son assiette.
Négligemment adossé à son siège pour profiter du soleil, Xut ricana.
-Je crois bien que je préférais ton caquètement stupide, tout bien réfléchi, estima Igor.
-Navré, feignit de regretter Xut, mais compte tenu de l'actuelle affluence de vacanciers en provenance de Pesda, je crains que la théorie du phénix polaire ne fasse long feu.
-Maudit soit le tourisme culturel, grommela Igor.
Le regard sombre du Pique étudia d'abord en détail le contenu de sa chope, beaucoup moins remplie qu'à l'accoutumée, puis se porta sur son camarade, dont il avait rarement l'occasion d'observer l'apparence humaine, et retomba enfin sur le steak de baleine. Igor détestait la baleine depuis qu'il était tout petit. Il soupçonnait d'ailleurs l'industrie agroalimentaire pesdane d'être à l'origine de ses tendances naturelles à la rébellion contre la norme et la société.
-N'empêche qu'elle est vachement bien cette serveuse, poursuivit Igor dont les yeux s'étaient finalement fixés sur une vision plus à leur goût. Dommage qu'elle soit...
-Probablement déjà prise, coupa Xut, sentant venir la gaffe.
-Ouais, c'est triste, approuva Igor d'un ton rêveur, sans se formaliser le moins du monde.
L'adjudant pesdan observait pourtant lui aussi cette étonnante serveuse blonde à la démarche ondulante. Pour une raison qu'il tentait encore de déterminer, il lui semblait qu'il aurait du se souvenir de quelque chose en particulier. Ne pas parvenir à mettre la main dessus l'agaçait sensiblement, et c'est d'un ton sec qu'il demanda à Igor :
-Dis-moi, la serveuse de ton cœur, on ne l'aurait pas déjà aperçue quelque part ?
-Tu veux rire ? s'esclaffa l'intéressé. C'est toi-même qui la reluquait bizarrement l'autre jour, quand on buvait un coup à l'intérieur avec Clarisse. Note bien qu'elle ne portait pas encore cette tenue, on aurait dit une cliente comme les autres. Enfin, façon de parler bien sûr.
Ce sur quoi Igor se replongeait dans sa scrutation à peine voilée de ladite serveuse, tandis que Xut se demandait ce qui ne collait pas dans cette histoire. Il revoyait maintenant parfaitement bien la jeune femme en question, le dos voûté et la mine éreintée tandis qu'elle se dirigeait vers le comptoir. Mais là encore, cette réminiscence était brouillée. L'impression de déjà-vu persistait jusque dans l'évocation de son souvenir, comme s'il y avait eu un précédent au précédent. À moins que ce ne soit réellement qu'une impression de déjà-vu. Sauf que la première s'était révélée avérée, songea-t-il en triturant une mèche qui obscurcissait son champ de vision. À force de se maintenir sous forme animale, ses cheveux, noirs et d'ordinaire assez courts, avaient considérablement poussé sans qu'il ne le remarque. Avec son teint plutôt sombre, cela lui donnait une couleur locale, mais il ne songeait pas moins à y remédier au plus tôt.
-Puisqu'on parlait de Clarisse, lâcha Igor pour briser le silence, ou plus vraisemblablement parce qu'il avait fini par perdre de vue l'objet de ses pensées, peut-on m'expliquer ce qu'on fait ici tandis qu'elle batifole avec son prince charmant ?
Xut ricana à nouveau. Comme souvent, il ne parvint pas à diagnostiquer formellement si Igor était vraiment si lent du ciboulot qu'il faille lui réexpliquer chaque décision, ou s'il avait simplement trouvé une occasion supplémentaire de dire du mal de Roland.
-Je te rappelle, maugréa Xut en décidant de jouer le jeu, que grâce à ta savoureuse intervention de la fois dernière, nous sommes désormais membres honoraires du corps des éclaireurs de la Grande Armée Métissée, et qu'en tant que tels il est de bon ton que nous soyons présents lors du retour triomphal de nos compatriotes.
L'adjudant marqua une pause à l'attention de son subordonné, espérant qu'il saisisse bien toute l'ironie de la situation.
-Et pendant que nous donnons brillamment le change en nous empiffrant de manière très convaincante de toutes les victuailles qu'on veut bien nous servir, poursuivit Xut, Clarisse et notre providentiel allié se chargent de poursuivre la piste du Dichotomic en cherchant la crique desservie par le comptoir de contrebande où ils se sont rencontrés. Entre nous, je ne suis pas certain que nous soyons le binôme à plaindre.
Un mince sourire narquois vint se dessiner sur la figure d'Igor, qui gardait néanmoins le front barré d'un pli d'inquiétude tandis qu'il sondait vainement la populace du regard.
Le picotement importun dans le dos d'Élice avait pris fin peu avant qu'elle pénètre une fois de plus dans les cuisines de la taverne, et elle appréhendait d'en sortir à nouveau. Porter deux platées de nourriture dans chaque main n'était pas des plus pratiques pour soulager les démangeaisons, et celles-ci promettaient d'être difficiles à endurer au milieu d'un tel rassemblement de populace. Aussi l'artificière-serveuse choisit-elle de sortir par la porte arrière, espérant conserver un répit légèrement plus long avant d'être à nouveau assaillie.
Une sueur glaciale lui parcourut l'échine à l'instant où elle ouvrit la porte. Sans une seconde d'hésitation, Élice envoya voler assiettes comme leur contenu devant elle afin de créer un semblant d'écran visuel, et plongea au sol en roulant sur elle-même. La détonation fut tout juste audible, mais le montant de la porte derrière elle claqua, et quelques copeaux de bois passèrent à côté d'elle à toute vitesse, tandis qu'une légère odeur de brûlé parvenait à ses narines. Immédiatement, Élice se mit en position d'affût, les deux mains à plat sur le sol. La terre se craquela tandis qu'elle repérait d'un coup d’œil la seule fenêtre du bâtiment d'en face d'où pouvait provenir le coup.
Enjambant une fenêtre et sans prêter attention à la présence ou non d'occupants au rez-de-chaussée, Élice s'arrêta un instant en tentant de visualiser de quel côté pouvait être l'escalier. Pour une cahute de Métissé, cette habitation était étonnement grande. Choisissant une porte en face d'elle, l'artificière fonça et fut récompensée par une volée de marches sur sa gauche. S'engageant dans l'escalier, elle se retrouva face-à-face avec le tireur pressé de déguerpir, fusil en main mais coincé dans un passage trop étroit pour pouvoir l'aligner avec le trop long canon de l'arme.
-C-c-comment as-tu su ? bégaya l'homme en tentant de dégager son fusil.
-Je suis bien placée pour savoir qu'il y a une nuance très nette entre la façon dont un homme regarde passer une jolie fille et celle avec laquelle il la suit dans la lunette d'un fusil. Crois-moi, la différence est tangible, répondit Élice avec un sourire carnassier.
-Tu auras beau dire, piglouf (ce surnom te va tout de même nettement moins bien quand tu es comme ça), je ne lui fais pas confiance, à ton pote.
-Quel pote, Igor ? s'énerva Xut. De qui parles-tu donc, cette fois-ci ?
-Fais pas l'idiot, piglouf, maugréa Igor, affalé sur la table et maudissant le soleil au dessus d'eux. Ce type sorti du néant qui se pointe avec Clarisse, et qui nous sert une histoire magique et traumatique avec laquelle tu ne peux pas t'empêcher de compatir vu ta situation. C'est louche.
-Balivernes, lâcha Xut en levant les yeux au ciel. Clarisse elle-même a attesté de sa sincérité, et tu sais bien qu'elle ne se trompe jamais concernant ce genre de choses.
-Foutue chaleur, bougonna son interlocuteur en guise de réponse. Ou bien elle s'est simplement entichée de ce godelureau à poil roux qui l'a magnifiquement embobinée, ajouta-t-il.
-Tu racontes vraiment n'importe quoi, soupira l'adjudant pesdan. Et cesse de jouer avec cette console portable, le bruit est ridiculement agaçant.
-Je te rappelle que ma console est entre les sales pattes d'un trio de monstres répugnants en culottes courtes, grâce à notre Clarisse adorée, rétorqua Igor d'un ton marqué d'une infinie lassitude.
Interloqué par les implications de cette réponse, Xut entreprit de localiser ce bruit électronique tout proche. Cela venait du sac en toile de jute « couleur locale » posé sous la table, dans lequel les militaires dissimulaient leur matériel de communication. Se saisissant d'un petit récepteur discret, Xut coupa le son et observa les informations qu'affichait l'écran de l'appareil.
-Igor, il va falloir qu'on bouge, déclara Xut d'un ton beaucoup plus sérieux. Le radar passif vient de choper le signal d'un transpondeur tout près d'ici. Vraiment tout près.
-Fais voir, demanda le militaire, intéressé.
Xut lui fit discrètement passer le récepteur.
-Oh, mais c'est un émetteur de contrebande, ça. Probablement un signal d'alerte. Le genre de ceux qu'utilisent les trafiquants quand ils se sont faits repérer et vont tenter une manœuvre d'évasion.
-Comment peux-tu savoir à qui appartient ce signal ? l'interrogea Xut, abasourdi.
-Très simplement, se rengorgea Igor. Pesda est la seule véritable source d'appareils de com à la surface de Decenta Emdor, et les autorités savent très bien qu'il y aura des fuites de matériel, peu importe le budget alloué à la douane. Aussi, sont régulièrement organisées en douce des distributions « officielles » de matos. Les services secrets refourguent pour pas si cher que ça des appareils trafiqués aux trafiquants, et ceux-ci n'y voyant que du feu, ne vont pas chercher la marchandise ailleurs. Leurs bidules ne sont pas foutus de repérer nos transmissions, tandis que nous, on a ce petit indicateur de signal pour savoir qu'on a affaire à un pékin.
-Igor, je suis toujours ébahi de constater combien tu es au fait de toutes les magouilles frauduleuses possibles et imaginables au sein de notre corps d'armée, annonça solennellement Xut. Maintenant, allons déloger ce plaisantin.
Haussant les épaules, son subordonné décida de prendre cette réflexion pour un compliment et emboîta le pas à Xut, le sac de toile sur les épaules.
Les deux militaires arrivèrent bien vite à une baraque de bois un peu plus grande que les autres, pourvue notamment d'un semblant de second étage. Hélas, un Métissé à l'air menaçant en gardait l'entrée en jetant des regards inquiets de tous côtés. Le signal du transpondeur paraissait effectivement indiquer un état d'alerte. Toutefois, la ruelle était pleine de monde, et il n'était pas question de passer cet obstacle par la force. Sans concertation avec son partenaire, Igor s'avança vers l'homme d'un pas jovial.
-Hé, mon gros, tu m'as l'air nerveux, l'apostropha-t-il Ça tombe bien, parce que tu vois, j'ai de l'herbe pesdane. C'est idéal pour décompresser un bon coup. Intéressé ? Je te fais un prix.
-Je veux tâter d'abord, répondit le garde en plissant les yeux.
-Bien sûr que tu vas tâter, approuva Igor en dégainant un cigare chromé, y insérant une douille bleue vif, activant le mécanisme d'allumage intégré et tendant le tout à son client potentiel avec un clin d’œil complice.
L'homme porta lentement le cigare à sa bouche en appréciant l'odeur légèrement euphorisante au passage, puis inspira une grande bouffée de fumée. Baissant les paupières à demi comme pour mieux ressentir cette saveur nouvelle, il semblait visiblement se détendre.
-Alors, c'est à ton goût ? demanda Igor d'un ton railleur.
Pour toute réponse, l'individu s'effondra sur le flanc en laissant tomber son cigare, un large sourire aux lèvres, et poussa un ronflement sonore.
-C'était quoi, cette cartouche ? demanda Xut en s'avançant.
-Jamais trop de protoxyde d'azote, lui répondit tranquillement Igor en ramassant puis essuyant minutieusement son cigare.
-Trop tard, pesta Xut face au cadavre sanguinolent encastré dans la cage d'escalier défoncée.
-Ce n'est rien de le dire, renchérit Igor, tenant entre ses mains ce qui avait été un fusil de précision avant que quelqu'un n'eût l'idée saugrenue de le plier en deux.
Les deux pesdans se regardèrent avec la même idée en tête : aucun d'eux ne savait à qui appartenait cette maison, ni combien de temps mettraient les Métissés à découvrir le grabuge qui s'y était produit, mais dans tous les cas il ne faisait pas bon traîner ici. Et il valait mieux sortir par derrière ou par une fenêtre que de se trouver face à face avec la cavalerie en rebroussant chemin vers l'entrée. Aussi poursuivirent-ils leur chemin vers l'autre côté de l'habitation.
-Tu crois qu'il s'agissait du type au transpondeur ? demanda Igor à voix basse.
-Il ne l'avait pas sur lui, en tout cas, infirma Xut. Mais il a très bien pu le laisser quelque part là-dedans, ou son agresseur a pu l'emporter avec lui. De toute façon, nous n'avons pas le temps de fouiller cette bicoque.
-Ici, indiqua Igor, en montra à Xut une petite porte donnant sur l'extérieur.
En deux enjambées furtives, Élice fut de nouveau hors de la demeure du guérisseur. Elle ne tenait pas plus à attirer l'attention de Murillo qu'à réveiller Christian, craignant les explications qu'elle devrait donner à l'un ou à l'autre. Et par dessus tout, elle ne voulait absolument pas que les cohortes de Métissés éclopés agglutinés un peu partout dans l'hôpital de fortune la voient passer. La militaire avait donc de nouveau emprunté une fenêtre opportune pour glisser sous l'oreiller de son équipier le petit mot qui lui expliquerait pourquoi il serait seul lors de son prochain réveil. Il y était aussi indiqué le détail complet des traites payées au guérisseur, de sorte que si celui-ci tentait de mystifier Christian, ce dernier pourrait s'en sortir sans débourser davantage de gemmes, qu'il ne possédait de toute façon pas. Enfin, dans un paragraphe dont elle n'était pas tout à fait satisfaite du ton qui en ressortait, Élice expliquait à Christian qu'il était certainement plus en sécurité au sein d'un bataillon armé qui le prenait pour un des leurs, et sans elle-même à ses côtés pour attirer l'attention sur eux.
Toutefois, rien dans le message n'indiquait où elle se rendait à présent, ni ne mentionnait le transpondeur qu'elle soupesait dans sa main droite, ou ce qu'elle comptait en faire.
Soit dit en passant, j'ai remarqué depuis un bon moment déjà qu'en tant que narrateur comme en tant que MJ, j'avais tendance à faire jaillir les ennemis de nulle part, et sans explication quant à leur provenance (bien que l'explication en question existe) La correction de ce défaut fera sans doute l'objet d'un exercice futur -comprendre un nouveau récit alambiqué- mais pour DT12 je me refuse catégoriquement à torturer l'histoire encore davantage. Les explications arriveront en temps utile, comme c'était plus ou moins sous-entendu depuis le premier chapitre.
(oui, ça veut dire qu'elles arriveront tout court, pas d'inquiétude ^^)
Dernière édition par Robert Begarion le Mer 9 Nov 2011 - 21:45, édité 5 fois (Raison : Redirection du signal)
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Re: DT12
Robby de mi corazon, je n'ai pas le temps ce soir. Le monde de la fête m'appelle... toutefois je me ferai un plaisir de lire ce chapitre demain et tu auras une autre fois un J'ADORE je te le promets
Wolfgang- Le Monde
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Re: DT12
VOILÀ: J'ADORE!
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Re: DT12
YOUHOUHOU, j'ai rattrapé mon retard =D
Moi aussi j'adore
(Parthé, reine de la critique construite...)
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DT12 – chapitre seizième
Deadline plus une heure trente-deux. C'est mal, et c'est de mon inexcusable faute.
Chapitre ayant bénéficié de l'assistance indirecte mais continue de Fear Lyath, grâces lui en soient rendues.
- Spoiler:
- DT12 – chapitre seizième – Naufragée
Lorsqu’il ouvrit les yeux, le feuillage au dessus de lui paraissait brouillé, et la douleur au crâne qui accompagnait cette vision lui fit craindre une nouvelle phase de délire. Ce n’est qu’à mesure qu’il émergeait qu’il réalisa que pour être conscient de délirer, il lui fallait avoir l’esprit clair. Il remua quelque temps ce paradoxe dans sa tête, incapable d’y trouver une solution satisfaisante, puis s’aperçut que la vision indistincte comme la douleur frontale provenaient du soleil principal, qui dardait ses rayons depuis la verticale de la racine qui lui servait d’oreiller.
Jock était resté inconscient beaucoup plus longtemps qu’il n’y comptait. Il examina les alentours avec ses yeux encore éblouis, alors que revenaient dans le désordre ses souvenirs quant à qui il était, l’endroit où il se trouvait, et ce qu’il y faisait. Non loin de lui, il discerna la silhouette de Marion, frissonnante et attelée devant un tas de petit bois agencé en cercle, profitant semblait-il de cette éclaircie prolongée pour faire du feu. Jock lui avait demandé de le réveiller dès qu’elle se lèverait ; mais comme les trois derniers jours, Marion n’en avait rien fait.
Probablement grâce à un ou plusieurs « bonds » salvateurs, la jeune femme s’en était tirée bien mieux que Jock, et ne souffrait que d’égratignures dues à des projections d’étincelles ou de bois brisé. En revanche, elle avait elle aussi échoué sur un rivage qui lui était inconnu, bordant la forêt pluvieuse du Grand Continent. La distance qui les séparait du plus proche village ne pouvait guère qu’être grossièrement estimée, et les estimations n’avaient rien d’optimiste. Très probablement plusieurs semaines de voyage pour seulement voir le bout de cette contrée hostile.
Ces trois derniers jours, il avait accompagné Marion tant bien que mal dans ses efforts pour survivre dans cet enfer humide. À mesure qu’elle y évoluait, le naturel enjoué de l’équipière que Jock connaissait avait très vite cédé la place à une allure beaucoup plus taciturne. Le regard sombre et les mains fermes, désormais toujours alerte, Marion semblait maintenant singer l’attitude qui était auparavant distinctive de Jock, celle de quelqu’un qui en a trop vu pour se laisser encore berner par les joies futiles et éphémères de l’existence.
Des multiples armes qu’elle portait usuellement, elle n’était parvenue à conserver que la fine dague qu’elle passait dans ses cheveux pour y fixer son ruban bariolé. Marion s’était cependant très vite affairée à pallier cette vulnérabilité : ledit ruban était désormais entortillé en guise de poignée sur l’arc allongé qu’elle s’était taillé. Chaque jour, Marion partait avec chasser oiseaux et petits mammifères arboricoles. Elle avait déjà rompu plusieurs cordes, qu’elle tressait inlassablement à partir de fibres d’écorce. Néanmoins, la satisfaction d’avoir tiré son repas, fût-il rare et au prix de longs efforts, semblait aisément compenser cette perte. Pendant qu’elle giboyait, et quand il ne sombrait pas dans un sommeil lourd et tourmenté, Jock s’affairait à cuisiner quelque chose à partir des plantes comestibles qu’il trouvait à proximité. Marion n’y touchait jamais et restait toujours avare de mots, alors il en déduisait qu’elle ne voulait pas le priver de la nourriture dont il avait grand besoin pour se rétablir ; pourtant il détestait qu’elle le considère si faible.
Le premier jour, Marion avait fait son feu dans le tronc d’un arbre creux. La fumée faisait tousser, et irritait tellement les yeux que la jeune baroudeuse s’était résignée à subir la pluie, à l’extérieur. Par la suite, elle n’était jamais restée au même endroit deux nuits d’affilée. Jock croyait au premier abord qu’il ne s’agissait là que de sa volonté de sortir au plus vite de la forêt, mais aujourd’hui cette attitude lui semblait davantage motivée par l’excessive prudence, tirant sur la défiance, que Marion affectait à l’encontre de cet environnement à la moiteur suintante et glacée. Car si son quotidien paraissait bien rôdé – trouver un endroit abrité, faire du feu, chasser, poser des pièges aux alentours, puis monter silencieusement la garde et enfin dormir recroquevillée sur elle-même – sa raideur comme la fréquence des coups d’œil qu’elle jetait par dessus son épaule ne faisaient qu’augmenter.
Quelque chose dans cette forêt terrifiait Marion. Quelque chose que Jock ne parvenait pas à percevoir. Quelque chose dont elle ne voulait pas lui parler.
Trop épuisé et trop endolori pour harceler Marion de questions, Jock la suivait à son rythme quand il le pouvait, et lui laissait de l’avance le reste du temps, pour la retrouver un peu plus loin, généralement affairée autour du feu ou occupée à dissimuler un piège. Les blessures qu’il avait reçues lors du dernier combat du Mesuré étaient toujours là, mais il les sentait désormais de façon beaucoup plus ténue, comme si elles dataient de très longtemps, ou plus probablement comme si sa conscience de son corps s’étiolait avec la fatigue. Son torse était enveloppé de bandages, ainsi que le haut de sa cuisse droite, là où ses propres carreaux s'étaient enfoncés dans sa chair durant l'assaut. Comparativement, l'impact qu'il avait reçu au crâne lui semblait beaucoup moins sérieux, malgré le sang gluant qui empoissait ses cheveux, et qui dégoulinait parfois dans ses yeux.
Comme chaque matin, Jock passa instinctivement sa main sur sa tête. Comme après chaque nuit, le bandage s’était desserré. En revanche, la texture de son cuir chevelu était beaucoup moins visqueuse, et en examinant ses doigts, il n’y trouva que des traces de sang séché. Cela lui semblait être une bonne chose. Ou bien il ne lui restait plus assez de sang dans le corps pour qu’il s’en écoule par la plaie. Non, il serait déjà mort, si tel était le cas. Enfin, du moins l’espérait-il. Il s’était plusieurs fois demandé si Marion croyait à ses chances de s’en sortir. L’évitait-elle à longueur de journée pour lui épargner des efforts douloureux et inutiles, ou alors pour s’épargner à elle-même davantage de souffrance lorsqu’il finirait par trépasser inévitablement, faute de soins dignes de ce nom ?
Il était un certain nombre de questions auxquelles Jock ne tenait pas particulièrement à connaître la réponse, et celles concernant sa propre mort étaient généralement admises d’office au sein du cercle. Aussi, c’est en partie pour vider son esprit qu’il se redressa, péniblement et avec le tournis, et décida d’aller voir de plus près le feu qu’allumait Marion. Subitement, celle-ci se retourna pour lui décocher un regard pénétrant. Intrigué, Jock tenta de sourire et fit un petit signe de la main, mais déjà les yeux de Marion dérivaient vers autre chose. Portant à son tour le regard dans la même direction, il aperçut à la lisière des buissons la forme dégingandée d’un singe araignée, fouillant par terre à la recherche de nourriture.
Silencieusement, Marion abandonna son tas de brindilles et se déplaça jusqu’à son arc, accroupie, sans quitter le primate des yeux un instant. Attrapant l’arme par la poignée, elle se saisit d’une flèche et entreprit lentement d’aligner sa cible sans être remarquée. Mais alors qu’elle avait presque suffisamment bandé son arc, le singe passa tranquillement à travers le feuillage, sans doute attiré par quelque chose de l’autre côté. Réprimant un juron, Marion se redressa à demi et entama précautionneusement une progression en biais vers l’endroit où avait disparu son gibier.
Voilà qu’elle part à nouveau en chasse, songea Jock avec lassitude. Sa condition physique le rendant incapable de la suivre sans trahir leur position, il se voyait comme à chaque fois contraint de rester à l’attendre. C’était moins l’ennui que la monotonie et le sentiment d’impuissance qui le minaient de jour en jour, alors que Marion semblait similairement affectée, en dépit du temps qu’elle passait à l’écart.
Cette transformation lui rappelait ses premières mois d’errance, lorsqu’il était fraîchement débarqué sur le Grand Continent, et peinait à y survivre tout en fuyant ceux qui furent ses compagnons de pirogue. Tout du moins, ceux d’entre eux qui n’étaient pas morts de faim ni tombés à la mer durant la traversée. Il croyait alors ses jours comptés dans cette terre hostile peuplée de monstres, à propos de laquelle on lui avait conté tant d’horreurs, et il craignait par dessus tout de croiser la route des sanguinaires Métissés. Heureusement, il était depuis devenu un sanguinaire Métissé.
Tandis que Jock s’était rassis à l’ombre d’un grand palmier courbé, et sombrait de nouveau dans les divagations mélancoliques avec lesquelles il était désormais familier, un bruissement sur sa droite attira son attention. Sous ses yeux hallucinés, le pelage tacheté d’un animal qu’il n’aurait jamais cru revoir un jour glissa devant lui, au milieu de la végétation touffue. Immédiatement, mû par un réflexe de survie qui ne devait rien à sa nouvelle existence, mais datait du plus profond de son enfance, il se redressa sans tenir compte de la douleur. Puis il s’immobilisa tout aussi vite, soucieux de faire le moins de bruit possible.
L’animal leva brusquement la tête, comme à l’affût, et Jock craignit d’être repéré. Mais la bête n’en avait pas après lui, semblait-il. C’est alors qu’un détail frappa Jock en pleine poitrine : le fauve avait la gueule grande ouverte. Seule sa mâchoire supérieure dépassait des fourrés, mais l’angle ne faisait pas de doute : l’animal était occupé à scruter devant lui, en béant à s’en décrocher la mâchoire. Ce fut seulement en examinant attentivement la partie basse de la créature au travers du feuillage que Jock le vit : il y avait un homme sous ce jaguar. Un homme qui épiait sans bouger un sourcil, dans la direction approximative qu’avait prise Marion.
Pétrifié de peur, Jock vit sans pouvoir esquisser un mouvement le Jaguar se remettre à glisser entre les fourrés, et disparaître de son champ de vision. Marion allait vraisemblablement mourir dans les minutes à venir s’il n’intervenait pas. Sauf qu’il était éreinté, désarmé, sans aucun pouvoir utile au combat, et par dessus tout, il était éclopé. Mais il savait aussi qu’il n’y avait pas d’autre créature amicale à un kilomètre à la ronde, et qu’il faudrait de toute façon au bas mot trois heures pour parcourir ledit kilomètre dans un tel environnement. Jock se faufila donc aussi discrètement que possible dans le sillage du fauve humanoïde, en mobilisant toutes ses perceptions pour repérer le moindre signe de danger.
Il n’eut guère à attendre. Alors qu’il atteignait le haut d’un talus recouvert de fougères, il repéra Marion en contrebas, ajustant sa proie occupée à déguster un fruit orange et juteux quelques mètres plus loin. Il aperçut également avec horreur non pas un mais deux Jaguars, tapis deux mètres à peine derrière le dos de la jeune femme, faisant miroiter leurs couteaux de pierre lisse. Curieusement, alors qu’ils auraient aisément pu sauter sur elle et lui ouvrir la gorge d’une oreille à l’autre, ils semblaient l’observer. Ils attendaient qu’elle tire.
Ce qui se produisit alors était une des dernières choses que Jock aurait pu imaginer.
Le singe araignée éclata d’un grand rire goguenard.
Hilare, ses grandes pattes frêles plantées dans ses côtes, l’atèle se redressa de toute sa hauteur – de bien plus que toute sa hauteur, en réalité – et regarda Marion dans les yeux. Son pelage brun roussit puis se para de mouchetures noires, tandis que le duvet blanc sur son ventre se résorbait, et laissait place à une peau plus lisse, plus sombre, et épousant des formes féminines plus accentuées. Marion décocha sa flèche. Un geyser terreux jaillit devant elle, arrêtant le trait et l’envoyant valser loin de la femme-Jaguar. Celle-ci dégaina une sorte de machette à double tranchant, faite d’un long manche de bois, dont chaque côté était incrusté de lames d’obsidienne. Marion blêmit, mais resta figée, toujours inconsciente des deux autres Jaguars dans son dos, qui semblaient s’être rapprochés imperceptiblement.
Au lieu d’avancer vers la chasseuse, la femme-Jaguar se contenta de la pointer de son arme, en bougeant légèrement les lèvres. Aussitôt, ses acolytes bondirent, et Marion fut renversée au sol. Face contre terre, elle tenta de se débattre, puis cessa aussitôt que l’un de ses agresseurs lui eut posé une lame affûtée sous la gorge. Avec un sourire cruel, celle qui l’avait leurrée sous l’aspect d’un inoffensif singe-araignée s’approcha en jouant avec son arme.
-Ta naïveté fut amusante, ricana-t-elle. Mais c’est ton sang qui va nous être utile.
Jusqu’à cet instant, Jock ne savait pas s’il valait mieux avertir Marion à toute voix, ou bien éviter de trahir sa présence pour mieux agir au moment le plus opportun. Mais il n’était maintenant plus question d’attendre. Avisant entre lui et les Jaguars une grosse branche morte couverte de mousse, qui ferait probablement une excellente massue, il s’avança, prêt à combattre. Et très probablement à mourir pour donner à Marion une chance de s’enfuir, il en était parfaitement conscient. Aujourd’hui, Jock allait avoir la réponse à un gros paquet de questions.
Un bras fin mais robuste lui barra la route.
-Je suis navrée, Jock, mais vous ne pouvez pas intervenir. Plus maintenant.
Le ton de la femme était triste, irréel. Tout comme l’inconnue qui était maintenant à coté de lui. Vêtue de tissus colorés et entremêlés autour de son corps comme de sa tête, elle se détachait violemment des verts et des bruns de la végétation ambiante.
-Bien sûr que si, je dois intervenir, protesta furieusement Jock, chassant les questions qui se bousculaient dans son esprit. Ils vont la saigner à vif d’un instant à l’autre.
-Vous n’y pourrez rien, répondit tristement l’inconnue. Vraiment, vous devriez détourner le regard maintenant. Ne pas assister à ce spectacle morbide facilitera la tâche qui vous attend.
-Ce n’est pas vrai ! rugit Jock. Je vais probablement mourir, mais si je parviens à les distraire, Marion pourra exécuter un « bond » derrière moi, hors de leur champ de vision, et elle aura peut-être le temps de fuir assez loin avant qu’ils en aient fini avec moi. De toute façon, je n’en ai déjà plus pour longtemps.
-Beaucoup moins que cela, hélas.
-Pardon ?
-Ne comprenez-vous donc pas ? interrogea l’inconnue avec un trace d’écœurement.
Jock marqua une pause avant de répondre, dévisageant son interlocutrice de haut en bas.
-Mais qui êtes-vous donc ? Et que faites-vous ici ? Et comment connaissez-vous mon nom ?
-Jock, comment avez-vous réchappé de la destruction du Mesuré ?
-Je ne me souviens plus. J’étais blessé à la tête, mes souvenirs sont très épars.
-À la tête ? demanda curieusement l’inconnue. En êtes-vous bien certain ?
Elle se saisit du bandage sur le front de Jock, et le dénoua délicatement. Jock passa la main sur son crâne, et n’y trouva aucune blessure, et plus la moindre trace de sang, liquide ou séché.
-Que m’avez vous fait ? Vous pouvez guérir les blessures ?
-Non, Jock. Ces blessures-ci ne guériront plus jamais.
Elle défit alors la toile enroulée autour du ventre du Métissé, révélant quatre carreaux d’arbalète, dont les tiges empennées sortaient de sa poitrine comme de son abdomen, longues d’une paume et demie. Deux de plus apparurent sur sa cuisse, et il entrevit la terrible réalité. Pourquoi il marchait encore, pourquoi Marion ne lui parlait pas, pourquoi le Jaguar ne l’avait pas vu.
-Qui êtes-vous donc ? questionna-t-il à nouveau l’inconnue.
-Je suppose qu’il vous faut un nom, soupira-t-elle. Je suis la Papesse. Et à présent, Jock, vous devriez venir avec moi. Un long périple vous attend.
Une lueur d’espoir apparut subitement dans la pupille du spectre.
-Vous pouvez l’aider, n’est-ce pas ? Vous avez le pouvoir d’empêcher cela !
-Je regrette, se déroba-t-elle. Cette prérogative doit revenir à quelqu’un d’autre.
-Mais il n’y a personne d’autre, gémit Jock.
La Papesse ne répondit pas.
Imperturbable et narquoise, la femme-Jaguar asséna un violent coup du plat de son arme sur la nuque de Marion, qui s’avachit dans l’humus de la forêt. Les deux sbires derrière elle coupèrent promptement une branche solide, à laquelle ils ligotèrent les poignets et les chevilles de la Métissée inconsciente. Puis ils prirent chacun une extrémité de la branche sur leur épaule droite, et se mirent ainsi en marche, Marion suspendue tel un vulgaire chevreuil entre les deux Jaguars, précédés par celle qui semblait commander le groupe.
-Nous avons la Rouge, nous avons la Blanche, et nous aurons bientôt la Noire, claironna la femme-Jaguar tandis qu’ils s’éloignaient de l’endroit de la capture.
-Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Que vont-ils faire d’elle ? Où l’emmènent-ils ? Et qu’est-ce que ces Jaguars font sur le Grand Continent ? mitrailla Jock.
-Je l’ignore, répondit simplement la Papesse. Et ni vous ni moi n’y pouvons rien.
-Mais il n’y a plus que nous. À moins que...
-Que ? répéta la Papesse, soudainement intriguée.
-Ro, lâcha Jock. Il est toujours en vie, lui. Il peut encore la sauver.
-Qui est Ro ?
-Un ancien équipier. Indescriptible en seulement quelques phrases. Mais tout à fait le genre à porter secours à des jeunes filles en détresse, ricana sombrement Jock.
Il sentait sa personnalité revenir. Maintenant qu’il avait réalisé ce qu’il en était, un furieux sentiment de libération l’envahissait. Silencieusement, la Papesse paraissait approuver, et mémoriser ses déclarations.
-Allons-y, conclut Jock, et leurs silhouettes s’évanouirent dans un fondu au noir.
Chapitre ayant bénéficié de l'assistance indirecte mais continue de Fear Lyath, grâces lui en soient rendues.
Dernière édition par Robert Begarion le Mer 22 Fév 2012 - 0:57, édité 4 fois (Raison : Coquille neutralisée avec succès.)
Robert Begarion- Dix de Cœur
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Re: DT12
J'aime pas quand les gens meurent... Mais encore une fois, c'est excellent. Il y a seulement une petite coquille (Voilà qu’elle part à nouveau en chasse, songea Jock avec lassitude. Sa condition physique le rendant incapable de la suivre sa trahir leur position... ce ne serait pas sans trahir leur position?)
Wolfgang- Le Monde
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Re: DT12
Grumpf. C'est exact. Merci.
Comme je disais à Parthé l'autre jour, il y a des erreurs de frappes ou de mise en forme aberrantes que je ne repère pas à la relecture (pourtant assassine), ou bien qui s'invitent dans mon dos. C'est hallucinant.
N'hésite pas à pointer du doigt et à cafarder dès que tu en verras une autre. Ces vermines insidieuses et très laides seront éradiquées sans la moindre once de pitié.
Quant à la mort des personnages :
Comme je disais à Parthé l'autre jour, il y a des erreurs de frappes ou de mise en forme aberrantes que je ne repère pas à la relecture (pourtant assassine), ou bien qui s'invitent dans mon dos. C'est hallucinant.
N'hésite pas à pointer du doigt et à cafarder dès que tu en verras une autre. Ces vermines insidieuses et très laides seront éradiquées sans la moindre once de pitié.
Quant à la mort des personnages :
- Spoiler:
- Ici, j'espérais au contraire remonter le moral de mon lectorat émotif en présentant par surprise la survie contre toute attente de Jock et Marion -seulement Marion, en fait, mais c'est toujours ça ^^-, après une fin d'épisode peu équivoque quant aux chances de s'en tirer des Métissés du Mesuré.
Question légitime, du coup : à la fin de Combat Naval (chapitre 11), tu pensais que l'équipage survivait ? Ou du moins les personnages ayant la chance incommensurable de porter un nom ?
La fin était sensée être assez pessimiste et clairement indiquer que le Mesuré était coulé corps et biens, ses rares membres d'équipage encore vivants -agonisants- trop faibles pour nager ou se transformer afin de fuir le navire de quelque façon que ce soit.
Robert Begarion- Dix de Cœur
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