La première escale

[début de notre passionnante épopée, ici]

Au doux chant d'un oiseau exotique inconnu, les rayons solaires vinrent caresser l'objet incongru qui reposait sur un lit d'arbres fruitiers. Le vent d'automne souffla au faîte des pommiers, pêchers et merisiers, ployant doucement leurs branches à moitié dégarnies. Un tourbillon de feuilles orangées entourait le cocon géant, qui s'agitait comme si la créature étrange qu'il abritait s'était soudain réveillée. Irrémédiablement, il glissait le long des rameaux au rythme de ses soubresauts.

Puis une branche craqua.

La chrysalide passa lourdement à travers les frondaisons, et s'écrasa au sol.

Arrachée par l'impact, une partie latérale de la gangue protectrice qui l'entourait roula un peu plus loin. À la suite de quoi, une forme humanoïde, noueuse et ornée d'une tignasse blanche touffue parvint à s'extraire de la trappe d'accès. Puis, plongeant les bras dans la machine à voyager dans l'espace, l'homme en sortit un second individu.

Alors seulement il considéra le milieu qui l'entourait, le même paysage forestier de tous cotés, les fruits mûrs écarlates chus au sol autour de lui, les jaunes herbes folles lui arrivant au genou, le trou dans le ciel de branches par lequel était passé son appareil, le cratère vertical dans l'imprudente falaise de grès pourpre qui s'était mise en travers de son chemin, et enfin les cieux d'azur planant au-dessus de cette végétation en teintes orangées à perte de vue.

Alors Tommen Brew inspira l'air de cette contrée, puis prit la parole, à l'adresse de son compagnon d'infortune toujours lové par terre :

"La mauvaise nouvelle, c'est que je ne connais pas du tout ce paysage, et que je n'ai donc pas la moindre idée de l'endroit où nous avons atterri."

Tommen plongea ses yeux dans le lointain.

"L'autre mauvaise nouvelle, c'est que le peu de carburant qu'il nous restait en partant de Pesda a été entièrement consommé."

Manubiwan gisait par terre, à moitié comateux, à moitié évanouit… à la différence près qu’il ne sentait plus la morsure du froid dans son dos. Plus de congères meurtrières, plus de tempête vrombissante… il était avachi sur un ananas qui avait poussé, comme par hasard, à l’endroit précis ou Manubiwan s’était affalé. Sa main palpait quelque chose de soyeux, et de légèrement gluant… Un acouphène lui vrilla les tympans, et il se rendit compte de la migraine qui lui lançait l’encéphale. Il releva la tête, tant bien que mal, et vit un petit singe qui lui léchait les mains, car ces dernière empestaient le fruit mûr. Il était tout engourdi par le voyage. Il fit un effort supplémentaire, et vit Tommen gesticuler autour de sa carlingue. Manubiwan, toujours allonger, répondit d’une voix lasse

Manubiwan – Ici, où ailleurs… Quelle importance…

Manubiwan avait raté son saut… un exercice d’école pourtant… Quelle déchéance… Il s‘ouvrit à la Force pour y constater son impotence… et là, se fut l’explosion… Ses sensations étaient radicalement différentes. Il la sentait toute changée, métamorphosée, par rapport à ce qu’il avait déjà sentit quand il était sur la banquise, et toujours aussi étrange par rapport à la Force conventionnel qu’il avait eut l’habitude de manier… Qu’elle était ce phénomène… La Force était-elle liée au lieu ? Aux personnes qui l’habitaient ? Aux animaux et/ou à la végétation qui la peuplaient ?

Il se releva illiquo, et, oubliant ses faiblesses physiques, le Jedi se remit d’aplomb d’un saut presque fluide. Après avoir brièvement épousseter sa bure, qui, tremper par la neige qui s’y était collé et avait fondu, était désormais toute collé de divers débris végétaux, telles que des brindilles, des feuilles… il essayait de se remémorer les exercices fondamentaux qu’on lui avait enseigné. Celui lui permettrait de prendre l’ampleur de ses pouvoirs et de ses limitations. Une chose était sur, sur la banquise, il n’avait été bon à rien, sauf, peut-être, à anticiper vaguement l’arrivé de la congère, et le fait que Tommen veuille lui piquer son sabre.

*Voyons voir de que suis-je capable ici*

Manubiwan s’assit en tailleur, ne prêtant à son tour plus attention à la présence du vieil homme qui, trop affairé à constater et évaluer les dégâts de sa cafetière thermopropulsée, l’avait lui aussi, totalement oublié. Il se plongea dans la Force… toujours cette même sensation qu’elle jaillissait des êtres vivant, et non l’inverse… ceci, au moins, restait constant…et aux dires de l’apparition de son maître, c’était une constante de ce monde, Decenta Emdor.

*Testons, pour voir, mon don de prémonition*

Une mouche voletait par-ci par là… et, toujours les yeux fermés, après quelques secondes d’observation par le truchement de la Force, Manubiwan tendit la main, vif et preste comme la langue d’un caméléon, et emprisonna l’insecte.

*C’est toujours ça ! Bon, passons à la lévitation*

Manubiwan ouvrit les yeux, cette fois-ci, et fixa un gros morceau de carlingue, autour de laquelle était penché Tommen, l’air afféré à essayer de trouver un moyen de la remettre et de la réparer. Manubiwan tendit la main vers cette direction, et déplia sa paume face à l’objet volumineux, distant d’un bon mètre cinquante… qui commença doucement à se soulever du sol… Sous les cris de protestation de l’ingénieur. Ne pouvant contenir sa joie, Manubiwan se leva d’un bond et cria un

Manubiwan – YEAAAAAHHHHHH !!!!

En effectuant de grands moulinets avec ses bras… La carlingue fut projetée, tel un vulgaire fétu de paille, dans les branchages épais des frondaisons orangées qui recouvraient le ciel… Quand Manubiwan relâcha son emprise sur l’objet…. Il ne redescendit point…

Tommen – On a perdu un morceau, on dirait

Lâcha, sarcastique, le vieil homme. Manubiwan avait l'impression de renaître.

À en juger la manière dont le Jedi gambadait et gesticulait gaiement dans les hautes herbes, ce paysage devait lui être plus familier que la banquise pesdane. À moins qu'il ne rafolât tout simplement de batifoler dans les feuilles mortes comme un enfant de cinq ans. En tout cas, cet endroit lui rappelait sans le moindre doute de bons souvenirs, même si Tommen n'imaginait pas exactement à quel point. En réalité, à s'émerveiller devant trois arbres et un bout de métal froissé, le bonhomme l'agaçait de plus en plus. Surtout en comparaison de l'insigne honneur qu'il venait d'avoir, de voyager à bord de son extraordinaire machine, et qui ne l'impressionnait pas plus que s'il avait parcouru trois lieues en char à bœufs.

"Dites, une fois que vous aurez fini de retourner en enfance, pourriez-vous aller reconnaître les environs ? J'aimerais savoir où sommes-nous exactement, s'il y a un quelconque lieu d'habitation à proximité d'ici, ou quoi que ce soit d'intéressant. Je vais quant à moi m'employer à remettre ce tas de ferraille en état, afin d'être prêts à prendre un autre cap dès qu'on aura récupéré du carburant."

Tommen se savait bien optimiste au sujet de ses capacités, ne serait-ce qu'à détordre la carlingue de la cafetière volante, et quant à envisager une réparation à peu près fiable du réseau fluidifique enserrant l'ensemble, cela tenait davantage du doux rêve que des choses concevables dans un bled sans métallurgiste, forgeron ou même plombier. Mais l'inventeur abhorrait le défaitisme, qui était l'ennemi numéro un de la découverte selon lui, aussi il rafistolerait son engin avec des fougères et des morceaux d'écorce s'il le fallait plutôt que de baisser les bras devant l'adversité.

Espérons tout de même pour la dignité de la Science qu'on en arrive pas là.

[NOTA: C'est l'automne, il fait pas trop chaud (~15oC), c'est une forêt mixte (érables, sapins, épinettes, pins, bouleaux, peupliers, etc.) et IL PLEUT. Faites attention à ne pas faire jouer l'autre aussi. Sinon, super topic ;)]

[Tout de suite, ô admin gadmine à la hideur sans égale. La pluie ne peut qu'arriver sans tarder, conformément à tes divines directives. D'ailleurs, Manu va y veiller tout de suite, n'est-ce pas Manu ?

*regard entendu avec l'intéressé*

Quant au jeu double, si contrôle il y a, c'est qu'il a été débattu par mp, ou qu'il va l'être houleusement sous peu. Pas d'inquiétude à troubler ton sommeil, ô effigie de la monstruosité en ce monde.]

Manubiwan – Soit

Le vieillard avait été froid, et lui avait gentiment indiqué de le laisser seul à seul avec sa défunte machinerie. Respectant se désir solennel, bien que froidement exprimer, Manubiwan se releva, cessant de faire mumuse en faisant léviter tout ce qui lui passait à porter d'esprit. Le petit singe qu'il avait chasser revint à la charge, mais cette fois-ci, il sautillait tout autour des jambes du jeune homme. Manubiwan l'ignora, et s'éloigna petit à petit du site de leurs « atterrissage », pour se diriger vers la falaise qui exhibait impérieusement son faîte. Aux travers des multiples nuances de oranges, de jaunes et de rouges, on la voyait, se dressant comme un rempart à la forêt dense.

Après une petite heure de marche, Manubiwan arriva à son pied. Elle le dominait d'au moins 300 mètres. Regardant sur le coté, il constata, un peu plus loin, un épais éboulis, surement le fruit de leurs collisions avec le roc rouge. Tout doucement, le soleil se couvrit, et une fine bruine s'installa.

*Cette roche va devenir aussi glissante que du savon...C'est foutu pour l'escalade...*

Manubiwan sortit son sabre laser, fit une entaille visible dans la roche en guise de repère, et se mit à longer le formidable mur... Une demi-heure plus tard, n'en voyant toujours pas le bout, et commençant sérieusement à être tremper, il décida de faire chemin inverse. Le petit singe, qu'il avait perdu, revient sautiller dans ses pattes. Il bifurqua dans la foret à la marque qu'il avait fait, et retourna au vaisseau... et quel ne fut pas sa surprise ! Une bande hétéroclite d'animaux fantastique étaient là, entourant Tommen, et en train de discuter...

*Discutez ??!!*

"Mais pourquoi faut-il qu'il flotte ? Je déteste la flotte, ça fiche tous les réglages en l'air, ça bousille l'homogénéité des mélanges, ça ridiculise les coefficients d'adhérence, ça inflige des dissipations thermiques monstres, et en plus ça mouille !"

Fulminant au propre comme au figuré, Tommen tentait vainement de redresser un boulon qui avait mal supporté le choc. Naturellement, la bruine rendait sa clé glissante, et chaque fois qu'il croyait avoir coincé l'écrou, celui-ci s'échappait malicieusement des pattes de l'outil. Quant à réaliser une soudure propre par ce temps, il n'y songeait même pas.

"Tiens, essaie, toi : tu devrais avoir plus de chance que moi."

Tommen tendit l'objet distordu à la petite licorne qui le regardait avec des yeux pétillants d'intérêt. L'animal hennit et saisit le bout de vis entre ses dents, puis d'un coup de sabot féroce, le remit dans l'axe voulu. Tommen rayonnait.

"Bon garçon."

La licorne piaffa de joie.

"Tiens, d'ailleurs, ça me donne une idée, ouvre grand les ailes, toi."

Le griffon perché sur un petit rocher rouge en face de Tommen obéit, et ses longues rémiges formèrent un abri assez sûr pour que le savant puisse rester au sec. De plus en plus enthousiaste, il entama le soudage de deux morceaux de carrosserie qui s'étaient déchirés lors de l'impact contre la falaise. Au sec, l'opération se déroulait à merveille, et les yeux autour de lui scrutaient avec intérêt ses travaux.

"Dis-moi, toi, tu pourrais aller me chercher le machin, là-haut ? Oui, un maladroit l'a envoyé dans l'arbre tout à l'heure. C'est gentil, merci."

Avec un rugissement féroce, un dragon faisant deux bons mètres queue repliée décolla, perça le plafond de feuilles, et saisit entre ses griffes le morceau de la machine catapulté par Manubiwan un peu plus tôt. À la suite de quoi il redescendit en projetant de grandes brassées d'air, et déposa sagement la pièce à côté de Tommen.

"Mais je t'en prie, continue, ça refroidit la soudure quand tu bats des ailes."

C'est seulement alors qu'il s'aperçut que le Jedi était posté à quelques mètres de lui, contemplant la scène avec incrédulité. Sans se déranger, Tommen l'apostropha en poursuivant ses travaux de réparation.

"Alors, vous avez trouvé quelque chose ? Non ? Eh bien moi, comme vous le voyez, j'ai rencontré une joyeuse bande de gamins qui se sont très aimablement proposés afin de m'assister. Braves petits."

Décidément, il allait de surprise en surprise… non seulement le vieillard maniait un pouvoir extraordinaire avec une facilité déconcertante, mais en plus, il semblait pouvoir communiquer avec les animaux…

Manubiwan – Je… euh… Vous vous… comprenez ? Je veux dire… mutuellement ?

*Mais c’est quoi ce délire ! Les animaux qui parle, ça n’existe que dans les contes pour gosses ! Ouuuh… Je sens que je vais me choper une migraine…*

Tommen le regardait avec un air d’incompréhension, comme si il le considérait comme un demeuré, en haussant un sourcil sur les deux. Le gros lézards munit d’ailes piaffait, le cheval à corne le fixa droit dans les yeux,
avec… une sorte de curiosité…

*Pourquoi il me regarde comme ça, lui…*

La face chevaline, avec ses grands yeux, le décortiquait, presque comme l’aurait fait un gosse qui vous dévisageait… Manubiwan s’ouvrit à la Force, comme pour vérifier qu’il était bien lucide… ce cheval avait quelque chose de bizarre, un truc ne collait pas… Peut-être cette dentition, un peu trop droite pour un canasson, où alors les oreilles qui étaient un peu trop petite et pas assez poilu…. Et qui glissaient tranquillement sur le coté de la petite tête mignonne qui émergeait désormais des poils… Ou encore le buste qui se redressait, les sabots avant qui se munissaient de doigts… « J’ai rencontré une joyeuse bande de gamin… » avait dit Tommen… Sommes toutes, la petite fille était toute mignonne, sans son déguisement…

*Voila que je délire…*

Manubiwan tituba… la fillette, dans sa robe rouge, vint jusqu’au Jedi, en chantonnant une comptine, qu’elle avait sûrement apprise à l’école… Manubiwan resta droit, le regard encore à l’endroit où l’enfant était sous forme animal,
hébété par la métamorphose… Quand elle arriva enfin devant lui, elle tendit la main et lui prit la manche de sa bure, tirant légèrement dessus pour se faire remarquer. Manubiwan sursauta et cria, et attirant son sabre laser par la Force, dégaina, s’apprêtant à frapper l’abomination…

Par un heureux hasard, il se trouva que la branche située quelques mètres plus haut ploya sous la masse appuyée dessus, et déversa une dizaine de litres d'eau froide sur Manubiwan. Douché, il tressauta lorsque l'eau s'infiltra dans ses vêtements, et son arme s'éteint aussi vite qu'elle s'était allumée. En regardant autour de lui, il put constater que Tommen, ainsi que les quelques enfants et créatures qui l'entouraient, pouffaient, hennissaient et piaffaient de concert. À la suite de quoi le "heureux hasard" prit la forme d'un phénix encore recouvert de duvet, qui arborait fièrement un air malicieux, et vint se poser sur un petit promontoire à hauteur du Jedi. On pouvait facilement en déduire qu'il n'était pas tout à fait étranger à la gentille farce dont Manubiwan venait de faire les frais.

"Allons, ne restez pas là, vous allez finir frigorifié. On va tous s'installer à l'abri de ma machine, puis ces petits nous conduiront chez eux, afin que je puisse me procurer les pièces manquantes, ou dont l'état est irrécupérable."

Une fois tout ce petit monde entassé sous la carlingue métallique, parcourue de veines de métal surchauffées qui formaient de petits nuages de fumée amusant beaucoup les joyeux drilles, Tommen fit l'inventaire précis de ce qui lui manquait, sans compter la grande quantité de mercure et de carburant qu'il lui faudrait trouver. Manubiwan "sympathisait" de son côté avec le petit dragon orangé, qui tentait avec beaucoup de bonne volonté de sécher sa bure sans réduire son propriétaire en cendres.