Entre deux [Sxib, et plus si affinités ^^"]

L'office était fini. Les fidèles quittaient peu à peu la cathédrale, pour retrouver leurs activités quotidiennes. Pourtant, un jeune homme ne quittait pas son siège. Perdu dans ses pensées, le regard baissé, il ne semblait même pas avoir conscience du silence qui reprenait possession des lieux.

Ce lieu saint construit en l'honneur de la Rouge s'élevait parmi les habitations des riches Carreaux, les surpassant sans peine tant en taille qu'en magnificence. L'architecte qui avait tracé les plans était parfois considéré comme ayant été touché par la Déesse elle-même, qui lui aurait montré en rêve comment créer ce reflet terrestre de Sa beauté. L'édifice s'élançait vers les cieux en tours fines reliées d'arabesques de pierre, toutes peintes de couleurs à la fois vives et délicates, sur lesquelles le temps semblait n'avoir aucune prise. Les grands vitraux éclairaient l'intérieur de la cathédrale de lumières dansantes, aux teintes multiples, faisant luire tour à tour sol, murs et plafond couverts de mosaïques et de dorures.

L'endroit était passant. De nombreux Carreaux considéraient comme une chance d'habiter près de ce lieu saint, et y venait faire leurs prières aussi souvent que possible -la cathédrale aurait, à ce que l'on disait, le pouvoir d'amplifier les voix des Cartes pour les faire monter à Rony. Pourtant le calme régnait, ainsi qu'un silence presque total. On n'entrait ici qu'avec respect, on baissait le ton, voire on se taisait.

En cette fin d'après-midi, la cathédrale était malgré tout plutôt vide. En général, les gens venaient assister à l'office puis rentraient chez eux, ou, à défaut, retournaient au travail. Le jeune homme blond, assis, solitaire, au fond de la chapelle, dans l'ombre, loin de l'autel, était aisément remarquable, pour peu que l'on regarde dans sa direction.

Il réfléchissait à ce que la journée lui avait apporté... principalement comme problèmes potentiels, et informations incompréhensibles. Dès qu'il l'avait pu, Nosqueor l'avait chassé. Il devait être frustré de n'avoir pas réussi à garder le chevalier pour lui... Quand Alexi avait repris sa forme animale pour redescendre aux étages inférieurs, il avait aperçu Begarion échanger quelques mots avec Jackal, tandis que Gruidae restait en arrière. Ce soit-disant diplomate, arrivé à l'impromptu, le laissait vraiment perplexe, voire méfiant. Mais si Nosqueor l'acceptait sans piper mot...

L'ascension vers le palais avait tout de même été... étrange. Alexi sentait confusément que beaucoup de choses s'étaient dissimulées derrière des paroles d'apparence plus ou moins innocente, et des gestes aux significations floues. Jackal semblait jouer la provocation, Begarion restait énigmatique... tout en laissant deviner une stratégie derrière ses mots, quant à ce... Martyn ? ses actions étaient totalement incompréhensibles.

Dans cette affaire, Alexi n'était qu'un pion, et il en avait une conscience aiguë.

Le jeune homme soupira. Il ne pouvait rien faire de plus... Les yeux clos, il reprit sa prière.

*Pitié, ô Déesse... Faites que tout cela finisse sur un accord... Ne permettez pas que les Rouges se divisent, quand nous avons tant besoin de notre unité...*

"Cuisine le petit Keravna, Martyn." Quelle galère, je vous jure. Moi quand je cuisine des cartes, c'est pour les cannibales. Ils sont funs ces gars-là, ils ont des façons très originales de tuer et déchiqueter les gens. Il faudra que je passe leur dire bon appétit un de ces jours, avec un petit présent. Ca doit faire quoi ? 200 ans que je suis pas allé les voir ? Eh bien, le temps passe vite... Ca ne m'étonnerait pas qu'ils soient tous exterminés maintenant. Dommage, eux au moins ils étaient marrants.
Pas comme ces Carreaux hautains sur leur château haut-perché. Tss, comme si ça avait déjà arrêté une invasion, de pareilles colonnes. Il suffirait que les Piques rappliquent avec leurs avions, et pouf plus de château carreau. Ecroulé comme un château de cartes !

"Fuahahaha ! Euh, hum, désolé, je pensais à une blague coeur."

Note pour moi-même : Eviter de rire à haute voix avec des gardes carreaux à côté. Ca donne envie de leur arracher les yeux sinon.
Bon c'est pas tout ça, mais je suis pas venu là pour discutailler de diplomatie rougeâtre. A vrai dire, dès que j'en aurai fini avec mon affaire, je pense me faire un plaisir de massacrer ces coeurs et carreaux. Rien que pour mettre un coup à ces satanés carreaux qui se croient intouchables là où ils sont, dans leur pseudo-ciel.
Il y a qu'à voir cette cathédrale, là, devant moi, pour voir leur stupide civilisation. Ils s'imaginent que les plans leur ont été envoyés par la déesse rouge elle-même ! Que dalle, à cette époque-là elle dormait encore. En fait c'est un empereur complètement mégalomane qui a voulu faire un bâtiment à son image. Sauf qu'il a pas vécu jusqu'à la fin des travaux. Alors les As ont repris les choses en main et ont fini le monument à leur sauce. L'empereur lui a vite été oublié, il n'avait rien fait d'autre de sa vie. Alors ils ont inventé des trucs bizarres, du genre qu'ils pouvaient communiquer avec la déesse qui était dans le ciel. Foutaises tout ça ! 'Fin bon, quand j'aurais rasé tout ça, on en parlera plus. Et je doute que cette emmerdeuse de Rony descende un jour de son "ciel" rien que pour ses cartes.

Enfin bon... Oh, tiens, il y a le petit Keravna en train de prier. Il me semblait que l'office était terminé, pourtant. Il doit être très croyant pour rester. Ah, s'il savait...
Mais bon, autant le "cuisiner" sans trop d'épices, le temps qu'il se tire d'ici, que je puisse commencer mon enquête.
Je m'approche de lui, et me mets à genoux, pour l'accompagner dans une pseudo prière. Les gens sont toujours plus loquaces après avoir partagé un moment de pure "foi", il paraît...

Malgré le silence ambiant, le claquement de quelques pas sur le dallage froid qui recouvrait le sol ne suffit pas à tirer Alexi de sa prière. Perdu dans sa concentration, le jeune homme n'entendit même pas cette interruption du vide de la cathédrale. Il ne perçut pas non plus le mouvement, pourtant sis à ses côtés. Ses yeux restaient clos sur ses vœux, ses souhaits. Son esprit était ailleurs, à la recherche d'un monde où la guerre ne ressemblerait pas tant à une fatalité... Égaré dans une quête en inadéquation avec tout ce qu'il connaissait...

Alexi lui-même était en inadéquation avec le monde.

Trop naïf, trop crédule, trop doux. Mais tellement confiant, parfois, qu'il s'illusionnait lui-même quant à sa propre nature d'être en marge. Soldat pacifiste ? Quel est le problème, si l'on n'en a pas conscience ?...

Pourtant, peu à peu, l'esprit revint sur ses pas, et retrouva contact avec la matière. Peu à peu, Alexi revint à lui. Il frissonna. L'immobilité, ajoutée à la fraîcheur du lieu, menait pour ainsi dire nécessairement à risquer de prendre froid. Le jeune homme s'agita légèrement, et ouvrit les yeux. Il ne vit tout d'abord que la pénombre, et les lumières teintées qui s'écoulaient des vitraux. Puis une partie de son subconscient vint lui tapoter l'épaule, et il se tourna brusquement vers son voisin. Il manqua sursauter. Depuis quand donc était-il là ?

Martyn semblait lui aussi, à son tour, abîmé en prières. Alexi hésita, mais décida rapidement de ne pas le déranger. On ne s'immisce pas dans une communion entre dieu et fidèle...

Il ne pouvait cependant s'empêcher de s'interroger sur les raisons de la présence en ce lieu du Cœur. Pourquoi être venu s'installer précisément à ses côtés ? Peut-être préférait-il la compagnie, quoique toute relative, d'un visage connu, isolé qu'il était en terre étrangère ?

Alexi se rabroua mentalement. Il était normal, après tout, que le Cœur vienne prier en ce lieu la Rouge, cette déesse qu'il partageait avec le peuple Carreau, puisqu'ici était le plus grand lieu de culte de la capitale. Quant au fait qu'il se soit assis à cet endroit précis, cela ne le regardait pas...

Le jeune homme décida malgré tout, par politesse, d'attendre la fin de la prière de son compagnon. Il n'aurait pas été correct de s'enfuir sans le saluer...

[Zorro est arrivé sans s'presser]

Les carreaux sont tout simplement absurdes, pourquoi faire des villes s'élevant dans les cieux alors que à plat c'est tellement plus simple, et en plus pourquoi habitaient ils de l'autre côté de la mer, la mer c'est dangeureux et malsain, tout le monde le sait. J'étais absolument perdue dans cet environnement si résolument étranger, entourée de carreaux je me sentais constamment épiée et hatais le pas pour échapper à une menace diffuse que je ne situais pas clairement. En gros je devenais paranoïaque, mon imagination débordante, pour ne pas dire délirante me faisait voire des choses qui n'existaient pas et j'interprétais de façon totalement biaisée des évènements sommes toute normaux. Chaque ragard me semblait lourd de sous entendus, alors que c'était précisemment mon attitude suspicieuse qui les déclenchait.

La première partie de mon opération s'était pourtant déroulée sans anicroche aucune, j'avais réussi à entrer dans le navire en partance grâce à ma qualité de suivante du château attachée à l'ambassade, une promotion un brin précipitée et pas tout à fait officielle pour être parfaitement franche. J'avais ensuite réussie à survivre à la traversée, une épreuve des plus ardue, avec le risque constant d'attaques de monstres marins, de piques, de pirates, de tempêtes, de maelstroms, d'avarie, de mutinerie, d'actes de sabotage... oui, j'ai peur de l'eau. Etrangement c'est une fois arrivée à terre que ça s'était gaché, les diplomates étaient partis dans leur coin et nous, nous avons dû monter monter leurs effets dans les suites qui leurs étaient réservées, alors certes cela me fournissait une entrée au palais, mais ne me garantissait en rien que je puisse mener à bien ma mission, j'était seule et n'avais aucune idée sur ce que je devais faire.

C'est alors que la démesure de la tâche qui m'attendait m'était tombée dessus, je n'était clairement pas de taille, et je n'avais personne pour me guider, me dire quoi faire. Je m'étais imaginée suivre les diplomates et trouver un suspect, avec un air louche, genre une tête de tueur avec une cicatrice qui barre la moitié de son visage et un air patibulaire qui clame "hey salut je suis un conspirateur", fouiller sa chambre et découvrir un horrible complot, j'aurais remis la preuve aux autorités compétentes, le chevalier ou l'autre ambassadeur bizarre et puis je serais rentrée chez moi. Ou alors j'aurais eu une récompense me permettant de me retirer de suite, c'est pas mal ça... tient au fait on a pas parler de ma récompense, je suis juste partie sur un coup de tête.
Un coup de tête et aussi parce que je suis actuellement recherchée pour un double homicide, oui bon un meurtre dans les faubourgs tout le monde s'en fiche, surtout que mes victimes allaient faire plus de bien à Thear sous leur forme actuelle qu'en continuant à respirer. Mais j'avais commis l'erreur de commettre mon forfait dans une auberge, et un meurtre dans une auberge qui reste impuni c'est mauvais pour le tourisme et donc l'économie, voilà pourquoi les gens d'armes s'intérressaient à ma personne un peu trop pour mon propre bien.

Alors en plein désarois je cherchais à me réfugier vers un lieu qui m'était familier, à savoir la cathédrale de la Rouge, prier m'aiderait à me calmer et puis qui sait, peut être que la Déesses pourra m'inspirer et me montrer la voie à suivre. L'édifice n'était guère difficile à trouver, il surpassait la plupart des bâtiments, j'observais un instant cette architecture si particulière aux carreaux, elle était innovante et malgrés mes griefs à l'encontre de leurs interminables escaliers je ne pouvais que m'incliner devant une telle grâce. J'oubliais un instant mes problèmes et trouvais là une inspiration innatendue qui m'ouvrait de nouveaux horizons. Mais ces considérations artistiques devraient attendre, je venais d'apercevoir dans le temple déserté deux des ambassadeurs, à genoux en train de prier.
Oh ma Déesse, je vous adore, non mais vraiment, je promet que j'irai vous faire une offrande dès que possible, il paraît qu'il y a un labyrinthe sacré non loin. Et cette promesse là je la tiendrai, ça en fera au moins une dans ma vie.
Je me jetais littéralement à genoux, avec un entousiasme non feint pour une fois, à côté de celui que j'avais identifié comme le Sieur Martyn. Hors de question que je laisse passer ma chance, je n'arriverai pas à m'en sortir sans aide, pas si on me considérait comme une servant en tout cas, les ambassadeurs devaient certainement être au courant qu'ils disposaient d'un appuis, en quelque sorte, officieux, si ce gamin m'avait lancer là dedans sans rien dire je lui ferai la peau, et cette promesse aussi je la tiendrai.
Je lançais un coup de coude dans les côtes de mon voisin, et grimaçais de suite, j'y étais allé un peu fort, il avait dû le sentir passer. Au moins mon objectif était atteint il m'avait remarqué. Entre mes main je tenais mon briquet et j'en modelais la flamme pour qu'elle prenne la forme d'un coeur que je cristallisais. Le message était clair, coucou je suis une allié, les renforts sont arrivés, ils ont dus prendre les escaliers mais ils sont enfin là.